Les fondamentaux d’un entrainement pour progresser en apnée

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Pour améliorer ses performances en apnée, il est fondamental de savoir mettre en place un planning d’entrainement et, surtout, de le respecter. J’avais précédemment (dans cet article), fait un point sur les différentes étapes du macrocycle (3 mois), en donnant quelques exemples d’exercices possibles pour chacune d’elles. Le but de cet article n’est donc pas de revenir sur ce qui a déjà été précédemment évoqué, mais d’ajouter quelques compléments, pour vous permettre de comprendre les fondamentaux d’un planning d’entrainement, avec l’objectif que vous puissiez construire le vôtre.

améliorer ses performances en apnée en construisant son propre planning d'entrainement d'apnée

© Alex Voyer

Fondamentaux d’un planning d’entrainement

Construire un planning d’entrainement pour progresser en apnée nécessite de comprendre un minimum le fonctionnement de l’organisme. Pour que ce dernier puisse s’adapter aux charges croissantes qui vont lui être imposées, le planning doit prendre en compte 4 principes clés :

  • La progressivité des charges,
  • La répétition des charges,
  • La surcharge et la compensation,
  • La réversibilité de l’adaptation physiologique de l’organisme (malheureusement !)

Progressivité des charges

Votre programme d’entrainement n’a qu’un seul objectif : améliorer vos performances en apnée. Pour permettre cette progression, il faut soumettre votre organisme à une charge de travail telle que pour y répondre, il devra s’adapter. Et, pour lui permettre de s’adapter, 2 éléments sont clés :

  • L’intensité et la répétition de la charge,
  • Le repos.

Le corps s’adapte à tout. C’est pourquoi, plus vous répéterez la charge, moins elle sera physiquement difficile à accomplir. Après un temps de repos, il faudra donc, naturellement, augmenter l’intensité de la charge. L’amélioration des performances est graduelle : plus on avance dans les performances, plus les charges de travail augmentent, permettant, chaque fois, d’atteindre l’adaptation (le niveau de charge) suivante.

4 points à retenir :

  • Connaître ses capacités physiques au démarrage et commencer avec des charges basses,
  • Être assidu(e),
  • Ne pas brûler les étapes,
  • Noter la charge que vous vous imposez, c’est la meilleure façon de voir votre progression. On utilise 4 critères pour évaluer la charge, en fonction de l’exercice (j’en parlais dans l’article sur les filières énergétiques) :
    • L’intensité (en % du max.),
    • Le volume (durée de chaque stimulation x nombre de stimulations),
    • La durée (temps d’exécution de l’exercice),
    • La densité (rapport entre durée de l’exercice et durée de la récupération),

Par exemple, sur du foncier, le volume est important mais l’intensité de la charge est faible alors que sur du fractionné, le volume est faible mais l’intensité est importante.

L’entrainement moderne est caractérisé par une élévation progressive des charges imposées au sujet. Ceci permet, à chaque étape, d’imposer à l’organisme des sollicitations proches de ses possibilités fonctionnelles. Ces conditions sont indispensables à une stimulation efficace de ses processus d’adaptation – Platonov

Adaptations de l’organisme avec les années d’entrainement. © L’entrainement à l’apnée, l’approche pratique – Eric Clua

 

Répétition des charges

On considère que pour générer un changement physiologique, la charge doit être soumise à l’organisme au minimum 3 fois par semaine (microcycle), pendant 3 mois (macrocycle). Considérez cette réalité comme une base de travail. Plus la sollicitation de l’organisme est fréquente, mieux ce dernier récupère. Les états de surcompensation tendent de plus en plus vers un état fonctionnel optimal en terme de capacité physique de l’organisme.

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© L’entrainement à l’apnée, l’approche pratique – Eric Clua

 

Charge et compensation

  • Charge

La charge physique est l’ensemble de toutes les stimulations auxquelles l’organisme est soumis pendant la séance d’entrainement. La charge peut être externe, c’est la valeur objective mesurable que vous vous imposez pendant une séance d’entrainement, la quantité de travail que vous effectuez. La charge peut également être interne, il s’agit de ce que produit l’exercice sur un organisme, c’est votre degré d’engagement sur un travail soutenu et la construction mentale qui s’ensuit. Elle est propre à chacun.

Si la charge est trop intense par rapport à votre capacité physique, vos capacités de réponse seront dépassées. En termes de fatigue, d’apport énergétique et de gestion des déchets, vous allez créer un déséquilibre contre productif. Vos périodes de récupération vont s’allonger et la surcompensation n’aura pas lieu. D’où l’importance de bien se connaître, de commencer par des charges basses et d’être progressif.

Il y a un repère que j’utilise pour savoir si je suis « bien » en terme de charge et qui est assez simple à utiliser sur du cardio ou du fractionné : si vous pouvez penser, pendant votre travail, à quelque chose d’autre que la charge que vous êtes en train de vous mettre (soucis de la journée ou ce que vous ferez après votre jogging), alors c’est que vous êtes en zone de confort, vous devez augmenter l’intensité. La juste intensité, c’est lorsque vous ne pouvez plus sortir, mentalement, de l’état de concentration nécessaire pour finir votre exercice. Ce niveau de charge là est votre niveau de charge du moment. Vous devez le maintenir tout au long de l’exercice.

Autre point : vous devez pouvoir monter en puissance tout au long de votre séance. Le ressenti et la connaissance de soi sont encore plus fins, car cela suppose de connaitre sa zone de confort et de pouvoir en sortir pour intensifier graduellement la charge sur la durée de l’exercice. Par exemple, sur du fractionné, il s’agit de pouvoir accélérer un peu plus à chaque sprint et jusqu’à la dernière série de sprints. Si vous ne le pouvez pas, c’est qu’il y a un paramètre que vous avez mal estimé ou, selon votre avancement dans le programme d’entrainement (macrocycle), que vous ne vous êtes pas laissé assez de temps de récupération entre deux charges (cette explication là apparaît généralement après votre échauffement, quand vous commencez à cerner votre forme du jour).

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© Alex Voyer

  • Surcompensation

La surcompensation est un système de défense de l’organisme. Elle définit le processus par lequel l’organisme s’adapte à une stimulation d’entrainement déterminée, pour pouvoir y faire face dans de meilleures conditions si cette stimulation venait à se reproduire (intérêt de la répétition). La surcompensation est une réponse de l’organisme traduisant la réalité suivante : par la charge imposée (intensité, volume), l’organisme est sorti de son état d’équilibre initial (homéostasie) et, avec du repos, va créer un nouvel d’état d’équilibre (surcompensation).

On a donc le schéma (simpliste) suivant, qui prend sens sur le macrocycle (3 mois) : charge initiale > repos > répétition de la charge > surcompensation > nouvelle charge.

Au niveau du microcyle (1 semaine d’entrainement), il faut créer des zones de repos dans le planning. En effet, après une phase de travail, l’organisme a besoin de récupérer, d’éliminer les déchets et de reconstituer les stocks de carburants (dont l’Adénosine Triphosphate, on en parlait dans l’article sur les filières énergétiques). La phase de récupération est fondamentale. Vous l’avez certainement et intuitivement déjà expérimenté : une baisse de motivation, de la force, du rendement musculaire, une souplesse qu’on peine à retrouver, etc. Tous ces ressentis traduisent une fatigue de l’organisme. Laissez-vous le temps de récupérer, laissez le temps à votre corps d’assimiler le travail que vous lui avez imposé et de s’adapter. J’aborde personnellement cette phase de manière assez intuitive. En règle générale, j’ai 2 jours de charge pour 1 jour de récupération. Mais si j’augmente mes charges (notamment dans les phases de transition, par exemple en fractionné, je réduis mes temps de sprints mais je cours beaucoup plus vite, pour « débloquer » le prochain niveau), alors intuitivement, mon corps va me demander 1 jour de récupération supplémentaire. Je le sais parce que ma motivation n’est pas là ou que je peux avoir des courbatures ; je respecte ça. Respecter son corps et ses cycles, c’est la base de l’apnée comme de n’importe quel sport. Il faut l’apprendre. C’est intuitif, mais les apnéistes s’en sortent bien, car ils sont très à l’écoute de leur corps.

D’une manière générale, la spécificité de la charge entraine des temps de récupération différents. Par exemple, un exercice avec chute du taux de glycogène (typiquement, du fractionné), peut demander un temps de récupération de 72 heures pour évacuer les déchets et reconstituer les stocks de glycogène. Ce type de charge permet d’entrainer l’organisme à tolérer le lactate et augmenter la VO2 max. Le fractionné est très important dans un planning d’entrainement pour progresser en apnée. En revanche, un travail mobilisant davantage l’ATP et le CPK (cardio, filière anaérobie alacticide), la récupération se fait entre 24 et 36 heures.

3 éléments clés d’une bonne récupération :

  • Bien dormir,
  • Bien manger (un point sur le régime acido-basique ici et sur le régime végétarien et la performance en apnée ),
  • Écouter son corps.

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© Alex Voyer

La réversibilité

Sachez-le : les états fonctionnels optimaux de l’organisme, acquis progressivement, ne sont pas acquis définitivement.

  • L’arrêt complet de l’entrainement pendant 21 jours entraine une baisse du niveau de la performance de 25% de la VO2 max. soit 1% par jour ;
  • Un arrêt de 3 mois fait disparaître l’adaptation physiologique à l’apnée.

 

Les cycles de l’entrainement

Dans la mise en place d’un planning d’entrainement pour l’apnée, on distingue 3 cycles :

  • Le macrocycle,
  • Le mésocycle,
  • Le microcycle.

Progresser en apnée en construisant un programme d'entrainement cohérent

© L’entrainement à l’apnée, l’approche pratique – Eric Clua

Le microcycle : 1 semaine

Dans le microcycle, on raisonne à la semaine : le microcycle représente le planning d’entrainement de notre semaine. L’unité de base du microcycle est la séance d’entrainement, de 1 heure à 3 heures. Le planning d’entrainement du microcycle est fonction du « thème » du mésocycle, « thème » qui dépend de l’état d’avancement dans le macrocycle. Ainsi, si on est dans un mésocycle « foncier », on priorisera un travail de cardio et de fractionné au niveau du microcycle (pas mal d’idées d’exercices dans les articles précédents et particulièrement dans celui-ci et celui-là).

Le mésocycle : 1 mois

Le mésocycle c’est le « thème » qui définit votre entrainement en microcycle : reprise (foncier), préparation générale (foncier + hypercapnie), préparation spécifique (hypoxie), compétition. On raisonne en heures ou en pourcentage d’un travail fait, dans le mois. Dans un planning d’entrainement dédié à l’amélioration des performances en apnée, il existe 3 grandes phases de mésocycle :

  • Le foncier : 70% à 80% de foncier et le reste en apnée ;
  • L’hypercapnie : 40% à 50% d’apnée et le reste en foncier ;
  • Hypoxie : 60% à 80% d’apnée et le reste en foncier.
  • Vient ensuite la phase de récupération (ou « affûtage »), avant la performance ou la compétition.

Le macrocycle : 3 mois

Le macrocycle se compose de 3 mésocycles. Avec le planning actuel des compétitions, un planning d’entrainement annuel à l’apnée compte 3,5 macrocycles.

Entrainement natation en aérobie pour préparer son corps à l'apnée

 

Construire votre propre planning d’entrainement

Séance

  • Échauffement (10 à 20 minutes)

L’échauffement est une phase très importante d’une séance d’entrainement, il permet de préparer le corps et d’activer la température interne de l’organisme, pour se prédisposer à un meilleur rendement physique pendant la séance. L’échauffement nous met dans un état neuromusculaire et organique optimal et permet d’éviter les risques de blessures et les traumatismes musculaires. Les nombreux bienfaits de l’échauffement :

    • Augmentation du flux sanguin, par la vasodilatation des voies circulatoires et l’augmentation de la fréquence cardiaque,
    • Cession plus rapide et complète de l’O2 de la part de l’hémoglobine,
    • Baisse de la viscosité musculaire et des tissus connectifs, permettant une meilleure souplesse,
    • Augmentation de l’afflux synoviale aux articulations,
    • Accroissement de la vitesse des impulsions nerveuses,
    • Élévation du seuil des sensibilités des récepteurs musculaires,
    • Amélioration des échanges métaboliques,
    • Hausse de l’adrénaline.
  • Corps de l’entrainement

Phase pendant laquelle on va imposer une charge stressante à l’organisme, pour stimuler les adaptations physiologiques. Sa durée peut varier de 30 minutes (minimum) à 3 heures (filière aérobie).

  • Récupération

Phase très importante également, bien que la communauté scientifique soit partagée à ce sujet. Il est donc important pour l’athlète d’être à l’écoute de ce qui lui convient le mieux au niveau de cette étape. Il est habituellement dit que, suite à une charge d’effort maximale, l’acide lactique généré par l’organisme est mieux évacué si l’on exécute ensuite des charges de travail sous maximales (par exemple, de la marche à allure modérée après une séance de fractionné), l’acide lactique étant alors utilisé comme carburant (il est donc métabolisé, son évacuation est plus rapide).

Un autre bienfait de la récupération est la métabolisation intérieure du travail effectué et la prise de plaisir avec des exercices relaxants. Cette phase permet d’ancrer en nous le résultat de notre séance de travail, ce qui nous servira pour débuter avec enthousiasme les séances suivantes.

Note : vous pouvez tout à fait caler un cardio ou fractionné le matin, une séance d’étirements / souplesse dans l’après-midi et une série d’apnée à sec le soir, avant d’aller au lit. En dispatchant ainsi, vous laissez à chacun de vos entrainements le temps de s’ancrer dans votre organisme et vous abordez la séance suivante satisfait(e) d’avoir déjà travaillé dans la journée.

les bienfaits de la natation sur le renforcement des muscles inspiratoires et expiratoires

Semaine

Au niveau de l’organisation du planning sur la semaine, les éléments suivants sont à prendre en compte :

  • La répétition d’une charge : au minimum 3 fois par semaine. Il vous revient de définir votre charge par rapport à votre objectif : répétition d’un travail de cardio (vascularisation de l’organisme et technique de nage), de fractionné (tolérance au lactate et VO2 max.), de musculation, d’apnée (la meilleure façon de progresser en apnée reste de faire de l’apnée), de souplesse (pour le travail du geste athlétique), etc.

Note : l’entrainement pour performer en apnée statique est l’opposé de celui pour performer en apnée dynamique. En statique, ce que l’on souhaite, c’est ralentir le métabolisme pour qu’il consomme très peu d’oxygène (muscle, cœur). Or plus on s’entraine en cardio et en fractionné, plus le métabolisme est réactif et consomme beaucoup (oxygène, alimentation). Donc veillez à bien définir vos objectifs (statique, dynamique) et, bien que la performance en statique exige également un excellent foncier, arrêtez de travailler votre cardio ou votre fractionné jusqu’à facilement 3 semaines avant votre prise de performance.

  • Le repos : 1 jour plein pour 2 jours d’entrainements. Si vous avez une séance apnée piscine un jour donné, assurez-vous que votre jour de repos soit la veille de cette séance, afin d’optimiser votre forme dans l’eau et donc votre travail d’apnée.

Mois

Il détermine ce que vous allez prioriser dans votre travail, comme nous l’avons vu précédemment : foncier, hypercapnie, hypoxie.

Trimestre

Entrainement-apnée-compétition-hypercapnie-hypoxie-VO2max

 Pour construire votre planning d’entrainement, raisonnez à partir de la date de votre compétition (et votre objectif), puis construisez votre planning à rebours :

  • Avant la compétition, prévoyez 10 à 20 jours d’affûtage / surcompensation en fonction de l’intensité de la charge imposée précédemment ;
  • Avant l’affûtage, construisez un mésocycle spécifique (hypoxie), dans lequel vous allez prioriser le travail d’apnée. Plus on s’approche de l’échéance, plus on fait du spécifique ;
  • Avant ce mésocycle spécifique, construisez un planning mensuel de renforcement foncier couplé à du travail hypercapnique ;
  • Puis finissez par ce qui sera la première étape de votre planning : la reprise, la préparation physique générale, le foncier. Ce travail initial, bien préparé, avec des vrais moments de récupération, rendra la suite de l’entrainement bénéfique et vous permettra de construire votre progression sur des bases saines (bonne vascularisation de l’organisme, cœur réactif, physiologie réceptive).

Progresser en apnée, entrainement et adaptations physiologiques

© Alex Voyer

Pour aller plus loin :

Bonne reprise à tous !

 

 

2 réflexions sur « Les fondamentaux d’un entrainement pour progresser en apnée »

  1. Merci pour cet article
    Avec le confinement, les entraînements ont été stoppés.
    Les mois d’été sont pour beaucoup de club des mois sans entraînement. .
    Avoir 3 seances d’apnée en piscine ( ou mer) n’est pas possible pour tous les clubs non plus.
    L’apnée à sec – en statique comme en dynamique – peut elle remplacer une seance « eau » ?
    Peut on l’inclure dans le programme ?
    Est-ce similaire ?
    Merci

  2. C’est vrai, vous avez raison.
    L’apnée à sec, en statique ou dynamique, génère les mêmes adaptations physiologiques de l’organisme qu’une séance piscine, puisque dans l’eau comme à l’air, l’organisme est soumis à la même contrainte : évoluer sans apport d’O2.
    Je vous recommande d’inclure des apnées à sec dans votre programme. Et, dans une logique plus grande, de considérer que si vous voulez progresser en apnée, alors faites de l’apnée tous les jours ou, du moins, le plus souvent possible : en allant chercher votre courrier, en marchant dans la rue, en montant les escaliers, en faisant de la corde à sauter ou du vélo. Trouvez votre rythme, vous pouvez par exemple (marche, course) partir sur 5 foulées en inspiration, 10 foulées en expiration et augmentez ensuite le nombre des foulées. Ou sur des séries : par exemple un départ toutes les minutes, répété 10 fois : 10 x 0’40 puis 10 x 0’45 puis 10 x 0’50 (adaptez vos temps, n’oubliez pas, il s’agit de progresser, pas de se blesser ou de se détourner de l’apnée). Sur des séances engageantes d’apnée dynamique à sec, essayez de rester sur des temps de travail de 30 minutes, sinon c’est trop, vous répéterez peu l’exercice, n’y retournerez pas avec enthousiasme ou finirez par mal réaliser vos mouvements.

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