Le mouvement ondulatoire en monopalme : prêts ?

Apprentissage du mouvement ondulatoire en monopalme : une vraie technique

« La simplicité est la complexité résolue » – Constantin Brancusi

« La monopalme permet de se mouvoir de façon très différente. C’est tout votre corps, du bout des doigts jusqu’aux orteils, qui participe finement à l’ondulation. C’est une façon de ressentir l’eau à 300%. Véritable chorégraphie aquatique qu’il va falloir vous approprier » – Buyle et Kreiss, 2011

L'apnéiste angrois Jérôme Wolf en train de chausser sa monopalme pour l'échauffement, Open de Lyon 2019, Laurent Farges

© Martin Colognoli

Lorsqu’on regarde un apnéiste monopalmeur évoluer sous l’eau, on a le sentiment que le mouvement ondulatoire, harmonieux et efficace, est simple à réaliser. Efficace, il l’est : utilisé par les mammifères marins, le mouvement ondulatoire est le plus performant pour produire la plus grande distance possible, en consommant le moins d’énergie. La voilure de la monopalme permet d’avancer plus rapidement qu’en bi-palmes pour un effort physique moindre et la vitesse générée permet à l’apnéiste de caler des moments de glisse pendant lesquels il avance sans effort : l’ondulation se nourrit d’elle-même. Les meilleures performances en DYN ne sont atteignables qu’en monopalme (à ce jour, 300 mètres) : que cela ne décourage pas les bi-palmeurs, parce que c’est en bi-palmes que les records sont donc encore les plus challengeables (alors que pour les monopalmeurs, il faudra faire au moins 301 mètres !)

L’apprentissage de l’ondulation est, en revanche, très technique. C’est même l’un des plus difficiles. La technique est la même pour tous ; le style dépend, en revanche, de chaque nageur et de facteurs tels que la morphologie, la souplesse, l’aisance dans l’eau. Le style peut influer sur la technique.

« Franchement, je n’ai pas eu beaucoup de plaisir ! C’est très technique, je me suis sentie très gauche. Je n’ai pu qu’entrevoir la puissance de propulsion que cela peut donner et j’imagine donc que le plaisir vient ensuite, d’une sensation d’agilité et de vitesse, que moi je n’ai pas eue ! Mais ça m’attire, parce que je pense que quand on maîtrise, on doit se sentir comme un dauphin » – Lucie

Comprendre le mouvement ondulatoire

Rapide avant-propos pour tenter de vous démystifier l’apprentissage de l’ondulation. Déjà, sachez que pour beaucoup, c’est un mouvement intuitif : donc ne vous braquez pas trop sur la technique et essayez. Essayez pieds nus et sans plomb, car le poids de la mono + celui du plomb de cou peuvent contribuer à un (très) mauvais ressenti et ne vous permettront pas de comprendre le mouvement de l’ondulation. Ma première expérience en monopalme a été une horreur : c’était une mono d’entrée de gamme (mono du club, environ 5 kilos) qui, associée à mon plomb de cou, m’ont entrainé au fond du bassin. En donnant un mouvement de jambes pour remonter à la surface, j’ai crampé sur une multitude de muscles dont j’ignorais complétement l’existence. Ça a été très douloureux et j’ai reposé immédiatement la monopalme pendant 8 mois, jusqu’à ce que j’intègre un groupe de compétition et qu’elle me soit imposée par mon coach.

Morale de l’histoire : enlevez tout, mise à l’eau en maillot !

Les filles, parce qu’elles ont naturellement une plus grande souplesse du bassin sont (largement) avantagées dans l’apprentissage de l’ondulation (c’est comme ça !)

En surface, pieds nus, sans plomb :

  • Longueurs en ondulation ventrale (éventuellement en vous aidant d’un tuba frontal) ;
  • Longueurs en ondulation costale (à droite, puis à gauche), un bras le long du corps, l’autre tendu devant vous ;
  • Exercices d’assouplissement du bassin avec une planche maintenue à l’avant : ondulations costale, dorsale, ventrale.

Sous l’eau, pieds nus, avec un plomb de cou (et un binôme) :

Les exercices les plus formateurs sont :

  • De parcourir la distance la plus longue possible en ondulation, les bras en triangle de tête ;
  • De parcourir la distance la plus longue possible en ondulation, les bras le long du corps. Avec les bras le long du corps, vous allez comprendre d’où vient l’impulsion du mouvement (haut du buste) et le mouvement du bassin, qui suit le corps ;
  • D’onduler sans solliciter vos jambes (comme si elles ne pouvaient plus bouger).

Vous trouverez d’autres exercices sur cette vidéo de Dopamine, particulièrement bien faite (attention, il s’agit là de l’ondulation en natation et non en apnée, mais les bases restent les mêmes pour comprendre le mouvement).

Triangle de tête

À l’immersion, le triangle de tête (bras, épaules, tête) a le rôle de la proue d’un navire : casser l’eau et y permettre une meilleure pénétration du corps. En conséquence, il est important, pour l’apnéiste de travailler la souplesse dos-épaules-bras, pour que le triangle de tête soit réalisé correctement. Un triangle de tête correctement réalisé :

  • Les bras couvrent les oreilles,
  • Les poignets sont superposés,
  • Les paumes des mains sont superposées,
  • Les pouces des 2 mains sont repliés sous la main inférieure,
  • La position ne doit pas demander d’effort physique ou musculaire : la souplesse dos-épaules-bras est, en conséquence, à travailler 2 à 3 fois par semaine. Si vous portez une combinaison, elle ne doit pas gêner ce mouvement. Veillez à choisir une combinaison :
    • Avec un préformage inversé au niveau des bras ;
    • Ou une combinaison avec une structure élastique (et non un néoprène) sous les bras ;
    • Ou une combinaison pantalon-veste, qui vous laissera une plus grande liberté de mouvement.

Il est important que le triangle de tête soit fixe : s’il ne l’est pas, vous perdrez en hydrodynamisme et vous vous freinerez dans votre glisse. L’impulsion du mouvement ondulatoire vient du haut du buste. Pour conserver la position de tête et impulser le mouvement, il faut travailler la souplesse des omoplates (pas mal d’exos ici).

Le triangle de tête en ondulation

Hydrodynamisme

« J’ai trop de difficultés pour me maintenir horizontalement, pour placer mes bras. Cela me demande trop d’énergie et je m’essouffle vite. Je n’ai pas encore très bien acquis la technique » – Isabelle

Hydrodynamisme en monopalme

© Laurent Farges

Le corps doit être le plus horizontal possible dans l’eau, pour conserver l’hydrodynamisme, optimiser l’effort physique et la glisse. Deux images sont généralement évoquées pour faire comprendre l’utilité de l’hydrodynamisme à l’apnéiste :

  • L’image d’un spaghetti. Faites tomber dans l’eau un spaghetti cru et un spaghetti cuit. Le cru va atteindre le fond directement, de manière parfaitement rectiligne, dans un temps très court. Le cuit fera des va-et-vient dans des directions imprévisibles, pendant un temps long, avant de se poser au fond. Dites-vous que vous voulez être le spaghetti cru !

 

  • L’image du tube (ou de la paille). L’idée est de demander à l’apnéiste de visualiser qu’il évolue dans un tube – ou une paille – et que son ondulation ne doit pas en sortir.

Être hydrodynamique dans l’eau suppose pas mal de travail à sec :

  • L’apnéiste doit avoir un bon gainage abdominal, pour pouvoir maitriser sa monopalme (qu’elle ne parte pas à droite ou à gauche). Une monopalme de qualité pèse entre 3 et 4 kilos. Adoptez une routine de gainage (10 à 15 minutes) et pratiquez-la 4 à 5 fois par semaine. En plus de permettre une meilleure maitrise de votre monopalme, de la faire travailler dans les 2 sens (mouvements ascendant et descendant), le gainage joue dans le maintien horizontal (musculature dos et abdominaux) ;

« Y’a des jours ça va, mais souvent, c’est des crampes, les pieds coincés, la voûte plantaire qui bloque, les ampoules. Et puis mon gainage qui finit par faire mal parce que je ne suis pas très souple. C’est du boulot. Là, c’est plus du boulot qu’autre chose » – André

  • L’apnéiste doit avoir une grande souplesse au niveau du dos, des lombaires et du bassin. La souplesse des omoplates, des lombaires et du bassin sont probablement les plus longues à travailler, mais elles sont fondamentales pour l’hydrodynamisme. Moins vos lombaires et votre bassin seront souples, plus vous amorcerez le mouvement en repliant les genoux : les genoux sortent alors du tube et vous freinent.

« Avant d’acquérir la fluidité d’un gracieux marsouin, il vous faudra passer par le stade d’un lamantin plein d’arthrose. La monopalme est moins intuitive que des bipalmes, il vous faudra enchaîner les longueurs en piscine, les descentes en mer et assouplir votre bassin ainsi que vos épaules » – Buyle et Kreiss, 2011

Hydrodynamysme dans le mouvement d'ondulation en apnée

Amplitude, fréquence

Quand vous allez réfléchir en termes d’hydrodynamisme, vous allez réfléchir à votre amplitude d’ondulation. La réflexion sur l’amplitude, amène la réflexion sur la fréquence. Avant toute chose, ne vous braquez pas trop quand même sur l’image du tube : votre ondulation sera différente selon l’exercice (hypercapnie, hypoxie) et ce que vous recherchez (vitesse, distance, relâchement). D’autre part, plus vous vous assouplirez, plus elle évoluera. Pour faire simple :

  • Plus votre amplitude sera faible, plus votre hydrodynamisme sera parfait (vous resterez dans le tube), mais plus votre fréquence d’ondulation sera importante (nombreux efforts qui consomment de l’O2). Ce type d’ondulation est utilisé pour un travail de vitesse (100 mètres speed ou 16×50 en compétition), non de distance (la distance suppose l’économie) ;

 

  • À l’inverse, plus votre amplitude sera importante, moins votre hydrodynamisme sera parfait (vous sortirez légèrement du tube), mais plus votre fréquence d’ondulation sera faible et vous pourrez alors travaillez avec des moments de glisse (économie d’énergie). Ce type d’ondulation est utilisé pour un travail de distance et de recherche de performance (relâchement). Respectez a-minima la visualisation du tube et n’exagérez pas trop l’amplitude, qui pourrait alors ressembler à un « S » : les nageurs avec palmes pratiquent des ondulations parfaites, en S, mais cela n’est pas du tout le but de l’apnéiste – vous ferez alors de la distance inutile (chaque méandre du « S ») et vous épuiserez rapidement.

courbe ondulatoire mathématiques pour l'apnée

Je vous glisse ici une petite vidéo très bien faite d’Alex Voyer et Marianne Aventurier, sur les fondamentaux de la nage en monopalme.

Le virage en monopalme

Ahlala. Vaste programme ! Mes premiers virages étaient une catastrophe. Il n’y a pas d’autres mots. Je me souviens que mon coach m’expliquait « T’arrives au T, tu tournes ta mono, fais-la simple. » Oui mais voilà, tourner 3,7 kilos avec les jambes, ça consomme grave et c’est pas cool du tout. Combien de crampes ai-je eu, sur ce virage. Une horreur. Cette erreur, tous les apnéistes la font : on arrive au T et on sollicite les muscles de nos jambes pour faire tourner la mono. Sincèrement : oubliez ça, tout de suite.

Le classique :

  • Dès que vos yeux voient le T :
    • Arrêtez d’onduler,
    • Tendez votre main droite vers le mur, sans vous souciez qu’elle le touche (elle va le toucher, c’est inéluctable !) ;
  • Dans le même temps :
    • Tendez votre bras gauche vers l’arrière, vers la nouvelle longueur que vous allez faire,
    • Et regardez dans cette direction : votre corps va suivre naturellement et, sans aucune sollicitation des muscles, votre mono en fera de même ;
  • Quand votre corps et votre mono seront naturellement bien placés, votre main droite aura touché ou touchera le mur, il vous suffira alors de vous positionnez calmement, de pousser contre le mur et de repartir.

L’esthétique :

Ceux qui carpent, dont la cage thoracique est distendue par l’air, peuvent ressentir un inconfort sur le virage classique, qui nécessite de plier le corps (pression supplémentaire sur l’abdomen et la cage thoracique). Apprenez alors le second virage, pas plus ni moins difficile que le premier, mais qui ne vous permettra pas de vous propulser au mur.

https://youtube.com/watch?v=MmpcFU2BX5Q

Quelques mots sur le virage en monopalme :

• Acceptez qu’un virage puisse prendre du temps : 2 à 3 secondes. De nombreux apnéistes (je n’ai toujours pas compris pourquoi), speedent au virage, c’est pourtant un moment de break et de propulsion, envisagez-le comme ça. Un ami m’a dit il y a quelques semaines qu’il savait s’il avait bien réussi son virage en écoutant son rythme cardiaque : s’il accélère, c’est qu’il a été trop rapide. Ralentissez au virage, gardez votre coeur au calme. Il y a un mur, c’est comme ça.

• Idéalement : maitrisez le premier virage parfaitement (il vous sauvera toujours) mais apprenez les deux. Le second n’est pas plus difficile à apprendre, mais son apprentissage peut attendre que votre capacité pulmonaire génère un inconfort, sur le premier virage, qui exige l’apprentissage du second.

Hop ! Une petite vidéo d’ondulation parfaite et du second virage.

https://youtube.com/watch?v=xxnCg4z_gA8

« En bi-palmes, avec les bras le long du corps, j’ai l’impression de pousser l’eau, de ne pas être en communion avec elle. Mais en recherchant l’hydrodynamisme, en mettant mes bras en avant comme ça, avec la monopalme, je ne sais pas, c’est comme une communion avec l’élément. Je suis sortie sans avoir eu mal aux jambes, sans avoir eu envie de respirer, c’était vraiment… magique. Le dernier 25 mètres, c’était vraiment l’osmose, j’avais l’impression que je n’existais plus, que ce n’était plus moi. C’est mon corps… à un moment donné, ce n’est même plus moi qui dirige. J’ai l’impression que mon corps prend le dessus, qu’il passe, que ça flotte, ça va tout seul, que je fais corps avec l’eau. Tu vois, je suis vraiment en osmose avec l’eau et ce n’est même plus moi qui décide. Je suis tellement mentalement partie dedans que c’est comme si j’étais un dauphin » – Camille

Note : Je vous ai updaté cet article avec un point sur les résistances ici.

 

Sources :

© Laurent Farges – image principale de l’article. Apnéiste : Olivier Élu

La technique de nage en monopalme – Basile Grammaticos, 1999

Wikipédia

L’apnéiste Mirela Kardasevic, Team Molchanov

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