Philosophie de l’apnée : citations des apnéistes sur leur sport

Morgan Bourc'his, champion français d'apnée en immersion libre

Arthur Guerin Boeri

On apprivoise un milieu où on n’est pas censés se trouver. Il faut accepter la pression, le froid, le noir.

 Affiche du film Le Grand Bleu de Luc Besson, apnée

J’ai vu ce film quand je devais avoir 7-8 ansJe l’ai trouvé très beau. Je sais, c’est un peu bateau, mais j’ai tout aimé, les images, la philosophie, l’histoire de Jacques Mayol. Tout me correspondait.

 

Lorsqu’on plonge, le rythme cardiaque ­ralentit jusqu’à 30-35 pulsations/minute. Après, c’est très dur. Et quand on refait surface, le rythme revient à la normale en cinq secondes. Nous avons des réflexes d’immersion hérités des mammifères marinsD’abord la vasoconstrictionpuis le ralentissement du rythme cardiaque, et enfin le blood shift pulmonaire.

Ma motivation? C’est une bonne questionLa glisse est un plaisir. Quand on sort, on est en vrac, dans le dur. Alors pourquoi faire ça? L’apnée, l’apesanteur, le silence, c’est plaisant. J’aime, j’adore. C’est planant. Et puis il y a le désir de repousser ses limites. Il faut le vivre pour le comprendre.

Natalia Molchanova

La différence entre l’apnée en piscine et l’apnée en mer, c’est comme courir sur un tapis roulant au lieu de courir en forêt.

Aurore Asso

Je trouve des réponses sur la vie, la mort, la liberté. En apnée, on diminue l’activité cérébrale. On arrête de bouger, on accepte le néant. La prise de risque est personnelleIl faut connaître ses limites, celles du corps et de l’âme.

Au fond, tout est plus foncé, plus froid. Alors le retour vers la lumière est incroyable.

Guillaume Néry

J’ai des petites hallucinations ; je vois des images, des flashs. Ma fille, mes parents, un visage que j’ai croisé le matin. Une fois, je nous ai vus, ma copine et moi, en train de nous marier.

 L’apnée, c’est un voyage intérieur que l’on peut parfois associer à un moment de méditation. On est centré sur ses sensations. A quelques minutes de plonger, on ne fait jamais complètement le vide, on reste ouvert aux autres, à l’extérieur. C’est essentiel. Là, on s’éloigne des clichés du Grand Bleu. Après, quand on descend, on sent l’eau qui défile, la pression qui écrase les poumons au fur et à mesure, on recherche à positionner au mieux notre corps avec l’élément. C’est une maîtrise et une connaissance de soi qui est assez poussées. Il ne sert à rien de vouloir se battre contre la pression. L’apnée ne doit pas être une lutte.

 

Il n’y a pas de méthode d’entraînement unique pour arriver top niveau. D’un apnéiste à l’autre, les méthodes de travail sont diamétralement opposées. C’est d’ailleurs assez déroutant. C’est un mystère difficile à élucider. On a continuellement le sentiment d’écrire une page de l’histoire de ce sport.

Je voulais plonger à la manière des puristes, des pionniers. Ça m’a fait du bien, retutoyer les profondeurs. Je n’ai rien perdu. Tout était là, en moi.

Laurent de Beaucaron

 

Dans un quotidien où je n’arrête pas de courir, l’apnée, c’est ma respiration. On parle beaucoup des records, des plongées extrêmes, mais l’apnée, c’est avant tout du bien-être. On ressort d’une séance défatigué, dénoué, déstressé… Et sous l’eau, quand on relâche le corps, on se sent flotter, en apesanteur. Sans bouteille, sans contrainte, on se sent libre. C’est de la plénitude et c’est magique ! 

Olivia Fricker

 

En France, s’est développée une apnée « à la Mayol ». Toute sa vie, Jacques Mayol a travaillé avec et pour les dauphins, il prônait l’art de la respiration, le pranayama, la discipline du souffle. Il pratiquait une méditation inspirée du yogaNous avons hérité de lui une pratique qui passe avant tout par un travail sur soi, où l’on tente de profiter de l’élément, de faire corps avec l’eau.

Stéphane Mifsud

 

Les records sont faits pour être battus. Le mien le sera un jour. L’apnée est un sport nouveau. Il y a quarante ans, Jacques Mayol restait cinq minutes sous l’eau. Je suis persuadé qu’on peut aller plus loin, qu’on n’a pas encore trouvé les limites du corps humain.

Pascal Reboul

apnéiste Pascal Reboul et sa vision de l'apnée

Il faut vraiment pratiquer et se faire mal à l’extrême pour progresser (…) L’apnée est un sport à part entière, donc si on veut passer des caps, il faut faire de la musculation, pratiquer des sports aérobies (vélo, course à pied). Et après, il y a le coté mental car dans notre discipline on passe par plusieurs phases.

Morgan Bourc’his

Au-delà du sport et des records, cette discipline particulière constitue aussi une approche singulière, lorsque, immergé dans les masses d’eau, de ma perception du réel, elle m’apporte des sensations sensitives très intenses, une sorte de kinesthésie, une mise à distance quasi originelle.

 

 

Sources

© Franck Seguin – Photo principale de l’article

© Joseph Melin – Portrait d’Arthur Guerin Boeri

© Alex Voyer – Arthur Guerin Boeri dans la fosse UCPA de Villeneuve la Garenne

© The New-York Times – Natalia Molchanova

© Alex Voyer – Retour vers la lumière d’un apnéiste

© Vidéo Bluenery Productions – Freefall de Guillaume Néry au Deep Blue Hole, filmé par Julie Gautier

© France Apnée – Guillaume Néry pendant sa descente de 3’30 minutes à 125 mètres de profondeur en poids constant, Septembre 2013.

© France 3 Régions Côte d’Azur – Guillaume Néry pendant sa descente de 3’10 minutes à 105 mètres de profondeur sans combinaison. 

© France Apnée – Laurent de Beaucaron et Stéphane Tourreau 

© Odyssée Bleue – Stéphane Mifsud

 

2 réflexions sur « Philosophie de l’apnée : citations des apnéistes sur leur sport »

  1. Je demande à des enfants de me dire ce que signifie pour eux « cesser de respirer ».
    Immanquablement ils répondent que si l’on cesse de respirer, et bien… on meurt !
    Je leur demande alors « Meurt-on tout de suite ? »
    « Non bien sûr, il faut un certain temps ! » me répondent-ils.
    Donc il existe un temps entre la vie, où l’on respire, et la mort où l’on ne respire plus du tout.
    Ce temps… c’est l’apnée ! Un temps de vie entre un espace de vie, l’air, et un environnement de mort pour l’homme, l’eau.
    Un temps de suspension entre la vie et la mort.
    Pour ceux qui connaissent l’anglais, il y a donc un espace entre « to live » et « to die »… « to dive » !
    Et si je veux vivre libre, et ainsi mourir libre alors entre les deux… « to freedive » ! 😉

  2. Ahah ! Merci Pierre-Alain, c’est une belle définition de l’apnée, ce moment suspendu, pendant lequel nous sommes bien au fond de nous !

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