Secrets de coach pour la performance des athlètes : Jillian Ellis

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Je continue sur ma lancée d’une série de 5 articles relatifs aux secrets de coachs pour former mentalement de bons athlètes vers la victoire (le premier article, avec Glenn Doc Rivers a été pas mal apprécié et je vous remercie de vos commentaires sur le sujet), avec l’espoir que vous y trouverez des clés, des attitudes mentales pour vous booster individuellement pendant vos séances d’apnée (ou en dehors, d’ailleurs). Pourquoi cette série ? Comme je l’expliquais précédemment, les bons coachs disposent de règles de vie – certaines nous parle et d’autres non – qui peuvent nous aider à renforcer notre mental ou notre motivation (c’est d’ailleurs leur but premier) dans la pratique de notre sport (quel qu’il soit par ailleurs, mais ici en l’occurence, l’apnée). Et je pense que cette série d’articles saura trouver une résonance auprès de mes lecteurs apnéistes qui pourront y trouver des attitudes ou des mojos qui les motiveront quand le défaut de motivation sous l’eau apparait, ou quand l’absence d’envie de s’entrainer à sec se manifeste. D’une manière plus générale, ces « règles de coachs » sont comme des cartes avec lesquelles jouer et elles me semble utiles aussi bien dans la vie de tous les jours que dans la pratique de l’apnée : c’est pourquoi je trouve intéressant de vous les partager.

Avant de commencer, deux informations à vous communiquer (it’s up to you) :

• Un article comparatif sur le matériel de l’apnéiste ? 

Après cette série de 5 articles (il nous en reste donc 3 après celui-ci), je pense vous faire un article comparatif sur le matériel de l’apnéiste (petites palmes, monopalmes, bipalmes, combinaisons, plombs). Si vous avez des recommandations ou des questions sur le sujet, n’hésitez pas à les laisser en commentaires, je tâcherai de les intégrer dans l’article dédié, pour vous faire un retour complet (il y a fort à parier que les questions que vous vous posez, d’autres apnéistes se les pose et vous l’avez bien compris : je suis pour le partage 🙂 D’autre part, si vous avez essayé du matériel, si vous en êtes satisfait (ou pas mais uniquement avec des critiques constructives, il ne s’agit certainement pas de « descendre » une marque, mais d’orienter des choix sur des bases solides, après tout ce qui ne convient pas à l’un peut convenir à l’autre), n’hésitez pas, non plus, à me le faire savoir. Nous regrouperons tout ça dans notre article, histoire de diffuser une information de qualité car, année après année, on se pose tous les mêmes questions pour savoir quelle combinaison acheter, quel lestage choisir etc. Et, au regard des prix (complètement dingues) et du budget de notre discipline, essayons donc d’y répondre ensemble et d’échanger sur le sujet !

• Des séances de coachings apnée, ça vous tente ? 

Enfin, pour celles et ceux qui sont intéressé(e)s (je reçois pas mal de demandes et même si le temps me manque pour y répondre, je lis TOUS vos messages), sachez que l’an prochain je vais essayer de mettre en place des séances de coachings / astuces pour l’apnée avec des partenaires confirmés. J’ignore encore quelle forme prendra ces séances (online, présentiel), ni comment les organiser, ni quel livrable éventuel (par exemple PDF ou vidéo) vous fournir après coup. Alors, ici aussi, si vous avez des préférences, des recommandations sur les thèmes à aborder lors de ces séances (alimentation pour la performance en apnée, entrainement à sec, construire un planning d’entrainement pour l’apnée, exercices de souplesse, méditation ou tout autre sujet) ou sur la forme (présentiel, online, vidéo, PDF), n’hésitez pas à les laisser en commentaires. Cela me permettra de construire de vrais supports pour des encadrements à venir et cela nous permettra de répondre efficacement à vos demandes.

D’avance merci pour vos retours, qui nous permettront de construire intelligemment l’aide pratique que nous pourrions vous apporter. Et bonne lecture !

Jillian Ellis, la pépite de l’UCLA

Je précise qu’ici encore (comme dans l’article précédent), nous parlons d’un coach d’équipe (football). Sur les prochains articles, je pencherai davantage vers des coachs individuels, mais dans un cas comme dans l’autre, les règles à s’approprier sont valables, quel que soit le sport 😉

Née dans le sud de l’Angleterre, Jillian Ellis – ou Jill Ellis – suit ses parents aux États-Unis à l’adolescence, où elle commence à jouer au football. En 2014, elle est promue entraineuse permanente de l’UCLA – l’équipe nationale américaine féminine de football – qui est alors l’équipe féminine numéro un mondial, médaillée d’or aux Jeux Olympiques de Londres de 2012 mais qui n’a plus gagné de mondiaux depuis…. 16 ans ! Jillian Ellis est célèbre pour avoir amené l’UCLA à remporter deux fois la coupe du Monde : la première, en 2015 contre le Japon, elle n’est alors le coach de l’UCLA que depuis un an ; la seconde, en 2019, contre les Pays-Bas, l’année où elle décide de prendre sa retraite. 2019 marque également l’année où Jill Ellis se voit décerner le trophée du meilleur entraineur de la FIFA. Surnommée « la Dame de fer » en raison de sa rigueur et de son niveau d’exigence lors des sélections d’athlètes, elle n’en est pas moins rigoureuse quant à sa vision d’un bon coach :

Quand on est coach, mieux vaut être l’outsider. C’est toujours plus facile d’être l’équipe qui chasse que le gibier. Quand tu es numéro 1, tu ne chasses personne, c’est toi la cible. Il faut toujours devenir la meilleure version de toi. Alors accroche-toi et fais bon voyage !

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Jillian Ellis

Cinq règles de vie ont façonné le mental de cette « Dame de fer ». Sans surprise, bien que ces règles soient formulées différemment d’un coach à l’autre, d’une expérience de vie à l’autre, on y retrouve la force mentale, la persévérance et l’honnêteté de dire ce que l’on souhaite, règles déjà évoquées dans l’article précédent. Alors à nous, Jill Ellis !

  • Règle n°1 : Au sommet, l’espace est restreint et on manque d’air
  • Règle n°2 : Tiens bon, garde le cap
  • Règle n°3 : Chaque risque est une opportunité
  • Règle n°4 : Être honnête avec soi-même
  • Règle n°5 : Il faut s’affirmer pour se faire entendre

Règle n°1 : Au sommet, l’espace est restreint et on manque d’air

Cette règle s’est imposée après la cinglante défaite de l’UCLA lors des quarts de finale contre la Suède aux Jeux Olympiques du Brésil de 2016, un an après la mémorable victoire aux Mondiaux contre le Japon. Cette défaite est vécue comme une claque énorme pour l’UCLA, qui s’enorgueillissait encore de sa victoire précédente et qui partait favori pour cette rencontre aux JO. La règle n°1 prend forme :

Au sommet, l’espace est restreint et on manque d’air pour une raison : on n’est pas censés y rester. On profite un peu de la vue et ensuite on doit continuer l’ascension, ou redescendre. Pour continuer, il faut repousser ses limites, évoluer, s’améliorer.

Après cette défaite, Jill Ellis a à cœur de décortiquer toutes les erreurs stratégiques réalisées lors de cette rencontre d’une part et, d’autre part, de recentrer l’équipe autour d’une recherche d’humilité, d’un espace possible pour la remise en question et la progression, en acceptant que la croissance ne s’aborde pas en en ligne droite ascendante, mais en dents de scie (un peu comme le cours du bitcoin, en somme).

Si tu veux maintenir l’excellence, soit le meilleur et reste-le. C’est crucial. Quelqu’un convoite toujours ta place.

Pour Jillian Ellis, la manière dont la Suède avait gagné sur l’UCLA allait devenir un plan stratégique d’action pour les autres équipes, contre l’UCLA, à l’avenir. Il fallait donc réagir vite. En analysant la défaite, elle en déduit qu’il faut plus de joueuses capables de se mouvoir entre les lignes pour pénétrer des défenses compactes : Jillian Ellis fait table rase de l’équipe en place et des stratégies de jeu connues pour construire quelque chose d’entièrement nouveau. L’échec est ainsi vu comme une façon d’explorer de nouvelles techniques de jeu et une façon d’ouvrir l’équipe à de nouveaux profils. C’est une restructuration complète.

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« Au sommet, l’espace est restreint et on manque d’air. »

-> Le sommet, le manque d’air et l’apnée

Il ne s’agit pas tant du manque d’air ici, vous l’aurez compris, amis apnéistes, vous qui y êtes tant habitués ! Mais bien plus, d’une part, de la motivation personnelle à progresser et, d’autre part, de la capacité de chacun à pouvoir se remettre en question, particulièrement lors d’un échec, d’une contre-performance, pour pouvoir ensuite se projeter sur une réussite. En entrepreneuriat, on considère que l’échec est une source de connaissances bien plus importante que la réussite, car on peut l’analyser, le décortiquer, le corriger et progresser quand la réussite peut venir du bon moment ou d’une bonne rencontre. Cette attitude rejoint la règle n°3 de l’article précédent « Ne te pose pas en victime. » Ce qu’il me semble important de retenir de cette règle est la nécessité de définir un objectif personnel (temps d’apnée statique, distance en DNF ou en DYN, temps en 16×50 par exemples) et, par des entrainements réguliers (jalonnés d’objectifs intermédiaires, j’en parlais en fin d’article précédent, fondamentaux pour le mental) de tendre vers cet objectif tout en sachant que, dans ce cheminement, il y aura des hauts et des bas, particulièrement dans l’apnée, qui est un sport physiologique et mental. Et de considérer ces hauts et ces bas comme faisant partie intégrante de la croissance.

En cas d’échec répété ou si l’on n’arrive pas à atteindre un objectif, il est intéressant – comme l’a fait Jillian Ellis – de se remettre profondément en question. C’est à dire de questionner son entrainement à sec, son entrainement dans l’eau, son alimentation, sa motivation, ses émotions également lorsque l’on va à l’apnée. Et d’agir en fonction de ces indicateurs. Il peut, effectivement, être intéressant de « bousculer » tout ça pour changer. Je l’évoquais précédemment : j’ai changé mes routines d’apnée à sec. Avant, par exemple, j’avais l’habitude de partir sur des temps longs, un peu tous les jours. Ce qui a eu pour conséquences, un jour comme un autre, de me détourner de l’apnée : soudainement, je n’avais plus envie d’aller dans les spasmes, d’aller à la piscine, de faire un effort mental. J’en parlais aussi dans cet article en citant le cas de mon ami Axel, habitué des temps longs en statique (supérieur à 7 minutes) et qui, au final, à arrêté complètement l’apnée. Un changement dans la stratégie d’entrainement aurait sans doute évité cela, en permettant à Axel de retrouver du plaisir dans sa pratique. De mon côté, je réalise aujourd’hui des longues séries d’apnées très courtes (comme les mammifères marins). Selon votre niveau, ça peut être, par exemple, 60 x 30 secondes d’apnée avec une seule ventilation entre chaque apnée. Dans ce type d’exercice, on cherche à créer (ou optimiser) une adaptation physiologique du corps (hausse des globules rouges) sans entrer dans l’inconfort des spasmes ou de l’apnée (petit plaisir qu’on se garde pour l’entrainement). Il est fondamental d’explorer de nouvelles techniques de progression et d’apprentissage, particulièrement dans ce sport où le chemin de progression est souvent solitaire. La force d’un bon apnéiste est qu’il est à l’écoute de son corps.

Ce qu’il faut donc retenir ici :

  • Définir ses objectifs,
  • Définir sa motivation,
  • Définir son plan de progression (et son planning d’entrainement à sec et dans l’eau),
  • S’auto-évaluer régulièrement (performances, ressentis, émotions, plaisir),
  • Ne pas hésiter à challenger tout ça si ça ne fonctionne pas, à explorer de nouvelles pistes,
  • Se laisser du temps,
  • Préserver son mental pour pouvoir construire une progression sur le long terme,

Règle n°2 : Tiens bon, garde le cap

En 2017, la restructuration de l’équipe est opérationnelle. Plus jeune, plus dynamique, avec des stratégies de jeu totalement différentes : pourtant l’UCLA encaisse à nouveau des défaites lors des matchs. Jill Ellis est très contestée, par les fans mais également par l’équipe elle-même. Elle se rappelle alors cette rencontre avec l’un des membres des Navy Seals des années plus tôt, lors d’un séminaire de cohésion d’équipe. Ce dernier explique que, dans la Marine, lorsqu’un Navy est en difficulté, le mojo est « Tiens bon, garde le cap ». Ce mojo vient d’une histoire racontée par le Navy : un jour de tempête si violente que les vagues masquaient les étoiles, malgré l’eau, le vent, les vagues, le capitaine devait garder le cap et tenir bon, pour l’équipage et malgré les critiques, parfois, de ce dernier. Jillian Ellis en tire sa seconde règle de coach.

Je n’entraine pas pour ma place, mais pour ce que je crois. Il ne faut pas faire ce que l’on fait en prenant en considération les critiques, les fans, les joueuses, il faut développer une autonomie affective face à cela et le faire pour ses propres convictions. Il faut bloquer le bruit et garder foi en ce que nous faisons chaque jour. Dans la vie il y a des tempêtes, des inattentions, des agitations. Il faut rester fidèle à ses convictions.

Il faudra attendre 2018 et le tournoi des Nations qui oppose les USA au Brésil pour qu’enfin les efforts finissent par payer, avec la victoire de l’UCLA.

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-> Le cap et l’apnée

Cette règle rejoint la précédente dans l’une de ses dimensions : le temps et ce qu’il génère d’expérience chez l’apnéiste qui cherche à progresser. Mais elle ajoute une nouvelle dimension : l’autonomie affective, qui relève de l’intelligence émotionnelle. L’intelligence émotionnelle consiste à être suffisamment à l’écoute de notre expérience intérieure (émotions agréables ou non, ressentis, intuitions) pour pouvoir « rectifier » ou non notre planning, notre chemin, notre action non pas en fonction de la pression extérieure (ce que les autres peuvent attendre de nous, par exemple en termes de performance ou l’entrainement donné lors d’un cours) mais en fonction de nos objectifs personnels, eux-mêmes définis par notre propre écoute de nos émotions (le plaisir, la motivation, notre propre capacité à ce moment là du temps). Cette écoute de soi est fondamentale en apnée. Elle permet, d’une part, de renouer avec la logique de plaisir et, d’autre part, de « savoir » intuitivement la performance que nous pouvons réaliser et de « savoir » comment y arriver (par quel chemin, avec quel planning). Cette connaissance de soi nous permet de mettre en place des actions cohérentes par rapport à notre désir personnel et de tenir le cap dans la difficulté.

Dans les faits, il convient peut être de prendre le temps de se poser face à une feuille blanche et de définir ce que nous attendons de ce sport. Puis de définir ensuite la progression que nous voulons y avoir, dans quelle discipline et dans quel délai. Et de laisser venir les émotions qui émergent de ces considérations. Si elles ne sont pas agréables, peut être que les objectifs que nous nous posons sont, pour le moment, au dessus de notre motivation actuelle ou de nos capacités physiques / physiologiques : il convient alors de les réduire et de laisser, à nouveau, venir l’émotion, l’intuition qui nous confortera. L’auto-évaluation, la remise en question nous permet de nous aligner en prenant en compte notre désir, nos émotions, notre intuition et la capacité de travail que nous pouvons fournir dans l’accomplissement de cette réussite. Des objectifs trop ambitieux, en décalage avec nos désirs profonds créera une limite naturelle et un blocage. Il est nécessaire d’apprendre à s’aligner pour grandir sereinement. L’apnée prend du temps : le cap est à re-définir sans cesse pour progresser, l’équilibre, l’alignement ne peuvent être que dynamique car nous grandissons chaque jour. Gardons toujours en tête qu’un objectif clairement défini, en cohérence avec nos envies et nos capacités nous permettra de nous inscrire dans la durée avec toute la détermination et l’endurance que requiert cette discipline qu’est l’apnée. Ce sport a une qualité fabuleuse : celle de nous ouvrir à nous mêmes. Commençons donc par cela, pour grandir dans chaque domaine de notre vie comme sous l’eau.

Règle n°3 : Chaque risque est une opportunité

Cette règle, qu’elle a notamment appliqué dans sa logique de restructuration complète de l’équipe en 2017 alors même qu’elle était très contestée à son poste de coach, est une règle qui a pris forme des décennies plus tôt, alors même qu’elle était rédactrice en chef, quelques années après avoir quitté l’université. Jillian Ellis rappelle que son père était lui-même coach de football pour des joueurs qui souhaitaient passer pros, mais, bien qu’elle adorait le sport et le football, ne se projetait pas en tant que coach, ne voyant pas le « coaching » d’athlète comme un vrai métier. À cette époque, elle quitte donc l’université sans perspective de carrière et trouve un poste de rédactrice en chef qu’elle s’empresse d’accepter parce qu’il est bien payé. Elle l’occupe pendant deux ans, jusqu’à ce que l’une de ses anciennes camarades l’appelle pour lui parler d’une offre de coaching, bien moins payée annuellement (USD 6 000 vs USD 40 000) que ce qu’elle gagne alors. Dans un contexte où il n’existe pas encore ou très peu d’entraineuses femme. La décision est difficile, risquée, alors elle en appelle à ses émotions et ses parents la confortent dans ce choix, précisant que si elle a du talent et qu’elle met du cœur à l’ouvrage, ce choix n’est pas un risque, mais une opportunité de croissance. Il ne s’agit plus de salaire, mais de passion, d’émotions. Il s’agira, en fait, de la meilleure décision de sa vie.

Pour briller au sommet, il faut savoir communiquer, créer de l’harmonie, de la confiance au sein d’un groupe. Mais plus que tout, il faut être honnête avec soi-même, sans cela, des limites naturelles se créeront.

-> Le risque et l’opportunité, en apnée

Cette règle entre en parfaite résonance avec la règle précédente et porte principalement sur l’intelligence émotionnelle et le développement des compétences émotionnelles. L’apnée est une voie qui permet cela, je ne reviens pas là-dessus.

En plus de l’intelligence émotionnelle (survolée plus haut), on peut évoquer ici la compétition, pour les non compétiteurs, bien que le risque soit relativement modéré dans ce cas et on pourrait alors envisager une résonance entre cette règle et la règle n°5 de l’article précédent « La pression est un privilège ». J’avais déjà évoqué cela dans un article précédent (Motivation, zone de confort et performance en apnée) : le risque n’est perçu comme tel que parce qu’il nous sort de notre zone de confort (qu’il s’agisse d’un salaire, d’une distance en apnée ou d’un temps). Bien souvent, pour ne pas dire tout le temps, ce que nous voulons atteindre se situe delà de cette zone de confort, dans la prise de risque. Il est certain que dans la routine métro-boulot-dodo de notre quotidien rigoureux, nous avons peu l’opportunité d’aller taquiner cette limite : l’apnée nous permet cela. La mise en situation (à travers la participation à une compétition pour ceux qui y sont réfractaires, à travers une prise de performance lors d’une séance d’entrainement) du « risque », c’est à dire la mise en situation d’une recherche de performance, de dépassement de soi, de dépassement de cette zone de confort, si on joue vraiment le jeu, c’est à dire en cherchant réellement à se dépasser pendant ce court moment, est fabuleusement enrichissant car cela nous permet de mieux nous approcher de nos « vraies » limites psychologiques (voire mentales et physiques) et non de nos limites « d’inconfort ressenti ». Au-delà de cette zone, en sortant de l’eau, il y a fort à parier que nous nous sentirons bien plus fort qu’au début du cours, bien plus informé(e)s sur nous-mêmes qu’en entrant dans l’eau. C’est dans le risque, dans l’espace où nous perdons nos repères que notre moi profond peut s’exprimer. Et il est bon d’aller chercher cet espace, de temps en temps, pour grandir. Ensuite, nous reprendrons notre feuille blanche et nous réécrirons nos nouveaux objectifs avec une connaissance plus fine de qui nous sommes, de ce que nous pouvons faire et des émotions que cela nous apporte.

Règle n°4 : Être honnête avec soi-même

Cette règle numéro 4 s’amorce dans deux mouvements : le premier, l’honnêteté du coach envers lui-même et le second, l’honnêteté de l’équipe envers elle-même. Ces deux mouvements, dans l’histoire de Jillian Ellis, sont liés historiquement et vont renforcer émotionnellement l’équipe pour l’amener à la victoire de la coupe de monde féminine de la FIFA de 2019. Ce mouvement s’inscrit également dans un phénomène historique de société : l’égalité salariale.

• Le premier mouvement : Jillian Ellis

Lorsqu’elle commence à entrainer, elle explique avoir commencer à en apprendre davantage sur elle-même, sans doute parce qu’en faisant un « choix de passion et non de salaire » (zone de confort, intelligence émotionnelle -sic), elle s’était spontanément mise plus à l’écoute et en harmonie avec ses aspirations et par extension, ce qu’elle apportait, chaque jour, sur le terrain et auprès de ses joueuses.

Quand j’ai commencé à entrainer, j’en ai appris beaucoup plus sur moi. J’ai appris que j’étais gay, notamment. Mais je faisais très attention à ce que les joueuses ne connaissent absolument rien de ma vie privée, parce que j’avais encore beaucoup de mal avec ça. Au début, je vivais donc essentiellement dans l’ombre. Si tu es coach, tu recrutes, tu as accès à la sélection. Avouer que j’étais gay aurait pu impacter considérablement ma carrière. Vos adversaires peuvent exploiter cette information et vous empêcher de recruter. Avec ma femme, nous avons adopté une petite fille. Et quand je l’ai prise dans mes bras, j’ai refusé qu’elle vive dans l’ombre. Je voulais qu’elle devienne forte et indépendante, sans avoir à nier l’identité de ses parents. J’ai tout de suite su que ça n’allait pas fonctionner. Alors j’ai dû être courageuse. N’est-ce pas ce que l’on exige d’un leader ? Être courageux, résoudre les dilemmes ? Après l’entrainement, je l’ai dit à mon équipe. Et l’équipe était si heureuse, si contente pour moi d’avoir cette petite fille, de fonder cette famille que cela m’a donné une confiance nouvelle en moi. Et je me suis dit, du coup, que j’allais le dire à mon patron. Tu imagines le pire, genre « on va me virer » mais non. Ça a été libérateur. Ça m’a enlevé un poids énorme des épaules et j’ai pu devenir cette personne qui se tient au premier rang, où je suis restée pendant 12 ans, avec le privilège d’entrainer l’équipe nationale féminine de football. Et tous les moments émouvants de ma vie qui sont arrivés après mon coming-out, j’ai pu les partager avec mon équipe en étant moi-même. Ça n’a pas de prix.

• Le second mouvement : l’équipe

En 2019, l’équipe est soudée, les performances progressent et l’UCLA remporte match après match. Une échéance se profile : la coupe du monde féminine de la FIFA. Forte de leurs nombreuses victoires, en dehors du terrain, les joueuses commencent à revendiquer les mêmes salaires que l’équipe masculine, à vouloir les mêmes logements, les mêmes transports. Le mouvement d’égalité salariale est porté par les médias et fait la une dans tous les États-Unis.

Pour un coach, c’est compliqué, car il faut trouver le juste équilibre entre son patron et son équipe. Leur combat a électrisé les foules et les médias, l’équipe, aussi. Moi, tout ce qui pouvait électriser l’équipe avant les mondiaux, je le prenais, je misais dessus. Alors j’ai dit aux joueuses que la meilleure base pour plaider une cause, c’est encore la victoire.

-> L’honnêteté à soi-même en apnée

Si la règle, telle qu’elle est énoncée ici, s’inscrit véritablement dans un enjeu sociétal, il n’en reste pas moins qu’elle symbolise, plus que tout, l’intelligence émotionnelle et l’alignement entre soi et soi. Elle est donc aisément transposable à l’apnée, comme je l’ai largement décris plus haut. Je n’y reviens pas. Cette règle met un point en lumière (déjà évoqué à demi-mots) : la confiance et l’estime de soi qu’il ressort du fait d’être parfaitement aligné avec qui nous sommes, nos émotions et le potentiel individuel qui se dégage de cet alignement. Cela permet de trouver sa place, de l’assumer et de travailler en fonction de ce que nous voulons obtenir, pour nous et par nous.

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Règle n°5 : Il faut s’affirmer pour se faire entendre

Pendant la coupe du monde de la FIFA, l’UCLA remporte (13-0) le match contre la Thaïlande. Dans les médias, l’égalité salariale s’invite dans les critiques : on reproche aux joueuses leur attitude difficile voire méprisante face à leurs adversaires, d’utiliser le terrain de foot comme un tribunal et d’y amener des victoires écrasantes pour chercher à montrer leur valeur en adoptant des codes masculins.

Je n’ai pas accepté ces critiques. En tant que coach, si le combat sur l’égalité salariale électrise l’équipe en période de mondial, je le prends, je n’ai pas à avoir d’opinion là-dessus. Mais les médias n’ont pas à dire que l’équipe a été dure, ingrate face à ses adversaires : aux Mondiaux, toutes les équipes se sont données du mal pour être présentes, le plus grand privilège que vous puissiez faire à votre adversaire, c’est de le malmener.

A ce moment-là, l’équipe sait que si elle remporte les mondiaux, le combat salarial sera entendu. L’UCLA gagne en quart de final contre la France, puis en demi-finale contre l’Angleterre. La foule clame alors « Égalité salariale ! « Égalité salariale ! » et, chaque fois, l’équipe se renforce, sa motivation grandit. La finale, qui oppose l’UCLA aux Pays-Bas voit l’UCLA gagner. L’UCLA remporte son quatrième mondial et devient l’équipe la plus prolifique du monde. Surtout, à ce moment de l’histoire, ces joueuses ont dépassé leur condition d’athlète pour devenir des voix pour les femmes du monde entier. L’UCLA a symbolisé l’idée qu’il faut se lever pour exprimer ce que l’on veut et pourquoi on le veut.

Le sport véhicule le changement. Le rôle du coach n’est pas de museler quelqu’un qui porte un uniforme.

-> L’affirmation de soi, en apnée

Encore une belle règle qui s’inscrit dans la logique de l’intelligence émotionnelle et de la juste définition de nos motivations. J’imagine aisément qu’il ne s’agit pas, pour les apnéistes que nous sommes, de revendiquer des combats sociétaux, mais de manière terrain, de définir qui nous sommes et ce que nous voulons accomplir dans la pratique de notre sport. Il s’agit, comme déjà évoqué, d’une distance, d’un temps, bien sûr. Mais visualiser cette performance en apnée peut (et doit) idéalement s’accompagner des émotions que nous ressentirons lorsque nous aurons réalisé cette performance. C’est la force des émotions liées à la visualisation. Il s’agit alors de quitter un processus dans lequel on est en réaction (dans lequel on va « subir » une entrainement difficile, par exemple, qui ne correspond pas à nos capacités physiques ou à nos objectifs), pour entrer dans un processus de création. Le processus de création passe par 4 étapes :

  • Définir clairement son objectif (un temps d’apnée statique, une distance en DNF ou en DYN, un temps en 16×50 mètres par exemples),
  •  Prendre le temps de se poser, dans un espace tranquille, pour se concentrer sur la réussite de cet objectif, de le vivre par la pensée en prêtant attention à ce que nous recherchons dans la réussite de cet objectif,
  • Prêter ensuite attention à ce que l’accomplissement de cet objectif génère chez nous en termes émotionnels, se concentrer dessus,
  • Et répéter l’exercice régulièrement.

L’accomplissement d’un objectif, à travers un processus créatif, passe principalement par la pensée : si nous sommes en mesure de pouvoir visualiser cet objectif et les émotions que cette réussite génère chez nous, de manière régulière, alors la réussite réelle et physique de cet objectif devient possible. L’émotion génère l’action, permet la motivation et est garante de l’endurance que nous aurons dans la réussite de notre projet.

Le départ à la retraite de Jillian Ellis

Jill Elis s’est retirée en 2019 sans avoir gagné l’or olympique. Plus jeune, lorsqu’elle collectionnait les trophées, son père avait coutume de lui dire « Jill, le destin te réserve bien mieux. » Elle l’avouera elle-même :

Même si coacher c’est viser la réussite, la gloire, les victoires, ce que je garde, ce ne sont pas des trophées, ce ne sont pas des médailles, mais ces moments qui m’ont fait me sentir vivante. Ce qu’il faut transmettre à chaque être humain, à chaque athlète, c’est toute la symbolique et la puissance du mot : ASSUME. Soit fier. Bats-toi pour ce que tu es, pour ce que tu veux. Lève-toi et reste debout pour ça. Chaque sport, est plus qu’un sport. C’est un cadeau.

 

Une pensée sur « Secrets de coach pour la performance des athlètes : Jillian Ellis »

  1. Quelle merveille Philippe, je me régale encore une fois.
    Cet article remet le bases sur le sujet que nous sommes d’une manière très juste à mon avis, à travers la pratique on se découvre.
    Merci encore,
    Pour le matériel d’apnée j’ai fait un grand étude avant de trouver mon matériel qualité/prix adapté à mon budget, petit a petit je me suis équipe d’une combi d’apnée Mantra de chez Orca (petite soeur du modèle Zen), parfaite comme un gant, Yamamoto et impeccable des C4 minimal, legeres et puissantes et un Lobster que j’attend avec impatience 🙂 tout fortement recommandé.
    Les séances de coaching c’est une idée génial. Ça pourrait même être très interessant de faire un article pratique sur des tables d’apnée en sec et même sous l’eau pour différents niveau.

    Merci encore et encore

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