Motivation, zone de confort et performances en apnée

L’été et la détente étant propices à la réflexion, j’ai souhaité rédiger un article assez différent des autres, dont le but est de vous amener – si vous le souhaitez – à faire usage de cette saison pour une réflexion introspective qui vous permettra, je l’espère, de reprendre l’apnée avec des objectifs qui vous conviennent. En effet, il est assez aisé de rester dans sa zone de confort en apnée et je m’interrogeais ces derniers jours sur ce qui fait la différence entre ceux qui se challengent et ceux qui ne le font pas (je ne raisonne pas en comparant un groupe d’apnée loisir et un groupe compétition, mais bien en comparant des apnéistes, quelque soit le groupe, puisque le profil « compétiteur » n’a rien à voir avec le nom du groupe ou la performance, qui, elle, grandit avec le temps et la motivation). Je me pose cette question car, à mon sens, la richesse de l’apnée se trouve dans le dépassement de soi, qui nous apporte une plus grande confiance en nous et une véritable hygiène de vie, toutes deux bénéfiques au quotidien. Et qu’on s’entende bien : par dépassement de soi, je ne veux pas dire aller à la samba ou à la syncope mais simplement ajouter un coup de mono ou deux au moment où, précisément, on s’apprêtait à sortir.

Beaucoup d’articles de ce blog tournent autour des mécanismes de la rupture physiologique, de clés mentales, de ce qu’il faut manger ou non, des exercices préconisés et de planning à réaliser pour améliorer ses performances en apnée mais aucun article, à ce jour, ne portait sur l’idée que peut être cette volonté de progression commence avant tout en soi, en définissant ses propres motivations à sortir de sa zone de confort. Et c’est vrai qu’une motivation clairement établie entraine une meilleure endurance ainsi qu’une plus grande disponibilité mentale et physique, pour respecter, dans le long terme, planning d’entrainement, régime alimentaire et, de manière plus globale, l’ensemble des contraintes que peut exiger la progression. Je me lance donc aujourd’hui dans cette réflexion, sans prétendre pouvoir définir clairement ce qu’est la zone de confort, la motivation ou la volonté mais désireux d’en dire quand même quelques mots à votre attention.

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© Alex Voyer

Zone de confort : définition

De manière générale, la zone de confort peut être définie comme une zone dans laquelle l’individu a ses habitudes et ses routines, où il se sent en sécurité car les événements qui surviennent sont prévisibles et/ou planifiés. C’est une zone sans surprise, dans laquelle l’individu maitrise ce qui lui arrive. La zone de confort est souvent perçue de manière biaisée. On l’imagine comme une zone :

  • De bien-être (de confort !) alors que ce n’est pas forcément le cas. En effet, ce n’est pas parce que cette zone est sécurisée ou connue qu’elle est agréable. Deux exemples :
    • Dans la vie de tous les jours : schéma typique d’une vie « tranquille » mais qui n’est pas celle que l’on aurait souhaité vivre et qui s’apparente alors à une « prison dorée » ;
    • En apnée : distance maximale que nous reproduisons à chaque fois – « distance d’aisance » (même si elle génère un inconfort) – ou temps le plus long de rétention du souffle que nous pouvons reproduire avec régularité (même s’il génère spasmes et ressentis déplaisants), sans jamais chercher à aller plus loin (pour autant de raisons qu’il existe d’apnéistes).
  • De pleine réalisation de l’individu, qui, en « terrain connu », serait supposé agir au mieux de ses capacités. C’est, en fait, précisément l’inverse qui se produit. En effet, dans cette zone, les niveaux de stress et d’anxiété sont bas car aucune peur de l’inconnu et/ou aucun apprentissage nouveau ne permet de solliciter les ressources profondes de l’individu, or se sont ces dernières qui nous permettent de nous découvrir pleinement et d’aller vers une plus grande réalisation de soi. Dans la zone de confort, les ressources de l’individu peuvent même s’appauvrir et cet appauvrissement peut créer de nouvelles peurs. Deux exemples :
    • Dans la vie de tous les jours : une personne qui a conduit toute sa vie et qui, suite à un accident ou avec l’âge, ne prend plus la voiture que pour des petits trajets jusqu’au jour où elle arrête de conduire et développe alors une peur / insécurité pour cette activité ;
    • En apnée : lorsqu’un apnéiste ne va jamais chercher plus loin que sa « distance d’aisance » alors même qu’il le pourrait physiquement et physiologiquement (certains coachs qualifient ce comportement de « refus d’obstacle ») et qu’il justifie ce « refus » par des excuses type « je suis sorti(e) car c’était des sensations que je ne connaissais pas », « j’ai paniqué », « je ne suis pas en forme aujourd’hui ». Or l’apprentissage de ces nouvelles sensations est précisément une connaissance fondamentale pour l’athlète qui souhaite mieux connaître ses propres limites et cet apprentissage, qu’il est le seul à pouvoir faire, ne tolère aucune excuse.

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Que se passe-t-il derrière la zone de confort ?

Beaucoup de choses positives, car si l’inconnu est généralement corrélé à des sentiments négatifs, il est surtout et avant tout, une zone de possibles. Lorsqu’on sort de sa zone de confort, on s’éclaire sur soi-même et on va chercher l’excellence – dans le cas de l’apnée, la performance. Elle s’atteint par différentes étapes – l’apprentissage – dont la première est le changement de paradigme : on commence à avoir un point de vue différent sur soi, son système de valeurs, de croyances, ses ressources, son potentiel, son mode de fonctionnement, son hygiène de vie. La peur, par l’appréhension des ressentis sur des distances ou des temps nouveaux, entraine une réflexion introspective profonde et c’est toute la beauté de ce sport qui n’a pas d’équivalent ailleurs. Le sentiment de « danger » (en l’occurrence, la rupture physiologique) génère naturellement un état optimal plus performant de l’organisme et la volonté consciente de construire des bases propres à la maximisation de ce nouvel état. Cela peut conduire à revoir tout son planning d’entrainement, à changer la façon dont on fait du sport, ses techniques de nage, son club ou son coach, à s’intéresser à des approches mentales, à définir des objectifs (ou à updater les anciens).

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© Alex Voyer

Ainsi et contre toute attente, il y a, derrière la frontière qui délimite votre zone de confort, quelque chose de souhaitable et d’agréable, qui stimule et fait progresser, qui ouvre des perspectives. Il faut, tout au long de sa vie et dans tous les domaines, prendre soin d’élargir sa zone de confort. Plus on va l’élargir et développer des apprentissages, plus le stress et les niveaux d’anxiété vont diminuer, nous permettant d’aller chaque fois un peu plus loin.

Pour élargir sa zone d’apprentissage, il faut apprendre à aimer le doute et l’inconnu. Plus que l’équilibre et l’immobilité, plus que la « distance d’aisance » et le refus d’obstacle, se tourner vers l’ouverture et la découverte. Dans ce cheminement, bien sûr, la notion la plus importante reste celle du plaisir. À ce sujet d’ailleurs, l’étude de Vallerand Robert J. « La motivation du sportif de compétition » souligne que, sans chercher la performance, les athlètes peuvent l’atteindre sans difficulté s’ils sont là pour le plaisir de pratiquer l’activité, car dans la recherche du plaisir et de toutes les formes qu’il peut revêtir, on s’entraine sans s’en rendre compte et, ainsi, on trouve la performance.

Cependant, d’autres moteurs peuvent émerger, propres à chacun : le challenge, le besoin de reconnaissance, l’envie de se dépasser, etc. Il est important pour l’apnéiste de découvrir quelles sont ses motivations, quel est le moteur qui va lui donner le courage de franchir sa zone de confort de manière positive. Et, lorsqu’elle sera franchie, savoir qu’il lui sera toujours possible d’y retourner – de temps en temps, dans le cadre d’un entrainement ou parce qu’il sera fatigué. Ce sera alors comme « rentrer chez soi », un sentiment reposant, un lieu, une distance, un travail dans lequel il pourra se régénérer, sans se détourner (abandon) de l’apnée.

Motivation, volonté, plaisir et performance

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© Alex Voyer

On pense souvent que pour changer les choses, en l’occurrence sortir de cette zone de confort, il faut surtout de la motivation. Pourtant, la motivation ne fonctionne pas toujours. Chaque apnéiste et même chaque sportif le sait : parfois on veut, mais ça ne fonctionne pas et parfois on veut tellement que le résultat est une contre-performance (pression). Motivation n’est pas volonté : le réseau de neurones qui code pour la sensation subjective de « désirer » n’est pas le même que celui qui code pour la « volonté ». Le premier est un réseau d’opioïdes (le fameux plaisir) tandis que le second est dopaminergique.

Toujours selon l’étude de Vallerand Robert J. « La motivation du sportif de compétition », il existe 2 types de motivations chez le sportif :

  • La motivation intrinsèque. C’est la plus puissante, celle qui motive le sportif car il trouve du plaisir et des satisfactions personnelles dans la pratique de son activité. Elle entraine une action et une adhésion entière de l’athlète même lorsque ce dernier n’est pas obligé d’agir : par exemple, le fait de continuer à s’entrainer alors même que l’entrainement est terminé et qu’il n’a plus d’obligation de le faire. La motivation intrinsèque a des effets positifs fondamentaux sur la performance, l’apprentissage et la persévérance à l’entrainement. Il a également été reconnu que plus un athlète s’entraine, plus son propre sentiment de compétence se développe, plus son implication dans son activité sportive se manifeste, ce qui renforce sa propre satisfaction, dans une dynamique vertueuse permettant de tendre vers la performance. L’étude distingue plus précisément 3 niveaux de motivation intrinsèque, dans lesquels la notion de plaisir occupe, toujours, une place fondamentale :
    • La motivation intrinsèque à la connaissance : le sportif pratique pour le plaisir d’apprendre et de disposer de connaissances nouvelles ;
    • La motivation intrinsèque à l’accomplissement : le sportif pratique pour le plaisir de se dépasser soi-même et d’atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même fixé. Le sportif est, à lui-même, son propre challenger (ce qui correspond généralement aux apnéistes qui souhaitent progresser et cherchent chaque fois à faire mieux que le temps ou la distance précédente) ;
    • La motivation intrinsèque à la stimulation : le sportif pratique un sport pour les sensations de plaisir qu’il procure.
  • La motivation extrinsèque. Elle est plus ou moins négative car extérieure à l’athlète : il s’agit des récompenses promises à ce dernier s’il gagne, par exemple. L’étude en distingue 4 niveaux, pour lesquels la notion de choix – qu’il soit donné ou non à l’athlète – occupe une place déterminante :
    • La régulation interne : le sportif agit pour les récompenses et les punitions imposées par l’entraineur ;
    • L’introjection : « Je vais à l’entrainement parce qu’il faut que j’y aille »
    • La motivation extrinsèque identifiée : la motivation de ne pas aller à l’entrainement est présente mais le choix d’y aller ou non relève du sportif, ce qui lui enlève toute pression et le conduit à l’entrainement sans sentiment d’obligation. Ce choix, laissé à l’athlète, est souligné comme fondamental pour lui permettre de réaliser l’ensemble des activités non intéressantes mais indispensables à la réalisation d’une performance (aller à la salle de sport, aller courir, faire des apnées à sec sur son canapé ou sur son vélo, lorsqu’on ne souhaite qu’être dans l’eau, par exemple) ;
    • La motivation extrinsèque intégrée : le choix de l’activité est intégré à la personnalité de l’athlète.

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© Alex Voyer

L’intérêt de cette étude est qu’elle met en évidence les effets de ces différents types de motivation sur le plaisir, l’implication et les performances de l’athlète. Elle souligne, entre autres, que :

  • Lorsque l’athlète est non motivé (ni motivation intrinsèque, ni motivation extrinsèque), il ne vit pas d’émotion positive dans la pratique de son sport ;
  • Les athlètes ayant des motivations intrinsèques et identifiées ressentent davantage d’émotions positives et s’impliquent davantage dans leur activité que les autres athlètes ;
  • Plus les athlètes sont motivés de façon intrinsèque, plus ils ressentent de l’intérêt pour leur sport. C’est l’inverse pour ceux qui sont non motivés ou qui démontrent des régulations externes ;
  • Les athlètes anxieux sont motivés par régulation externe ou non motivés ;
  • Plus les athlètes sont motivés par régulation externe, plus ils sont distraits ; plus ils sont motivés de façon intrinsèque, moins ils sont distraits.

Plusieurs facteurs influent sur la motivation de l’athlète. Et notamment ses succès et/ou échecs. Un échec ou une situation vécue comme telle, à l’entrainement ou en compétition, provoque un sentiment d’incompétence et une baisse de la motivation intrinsèque chez l’athlète. La réciproque est vraie : le succès entraine un sentiment de compétence qui renforce la motivation intrinsèque de l’athlète. 40% de la variance de la motivation intrinsèque sont expliqués par le sentiment de compétence. C’est une des raisons pour lesquelles il est bon de sortir de sa zone de confort mais aussi de savoir y retourner de temps en temps !

Un autre facteur – et pas des moindres – agit également sur le degré de motivation de l’athlète : la compétition et surtout la manière dont cette dernière est envisagée. Si l’accent est porté sur la victoire (battre l’adversaire, motivation extrinsèque) au détriment du plaisir, alors l’étude constate que la compétition diminue, de manière significative :

  • La créativité de l’athlète,
  • La qualité de sa prestation,
  • La motivation intrinsèque de l’athlète pour son sport.

À l’inverse, dans le cadre d’une compétition où l’on est, à soi-même, son propre adversaire (propre de l’apnée), alors l’athlète se dépasse.

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© Alex Voyer

Comment sortir de sa zone de confort ?

À mon sens, par la réflexion et en tâchant, le plus possible, d’être honnête avec soi-même.

  • Connaître sa zone de confort

La première étape de cette réflexion est une grande introspection, qui vise à connaître sa zone de confort, c’est à dire savoir où elle commence et s’arrête ; comprendre pourquoi elle s’arrête (pourquoi je sors ?) ; puis d’analyser ces raisons (peur, emballement, manque de travail physique estimé, etc.). Par exemple, il n’est pas rare qu’un apnéiste arrête son apnée car il ressent un inconfort qui n’est, en fait, qu’une information de l’organisme signifiant qu’il est maintenant en « mode apnée », en économie d’énergie. La phase précédent ces ressentis était alors simplement de la nage. Mais cet inconfort peut entrainer de la peur. Il faut pouvoir s’en rendre compte pour travailler dessus et accepter cette sensation, qui fait pleinement partie de la discipline (pourquoi est-ce que je fais de l’apnée ?).

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Vallerand Robert J. « La motivation du sportif de compétition » – Les Cahiers de l’INSEP, n°6, 1994

Il est également important de sentir la frontière entre cette zone et la suivante, de prendre conscience qu’avec un coup de palme ou deux en plus, on peut commencer à jeter un œil à ce qu’il se passe après. S’efforcer de le faire est déjà un dépassement de soi et vous place dans une bonne dynamique mentale, tournée vers la découverte et toujours dans le plaisir.

  • Analyser les résistances

Quand on quitte la zone de confort, il peut y avoir des résistances qui se mettent en place, derrière ces résistances, il y a des peurs ou des raisons particulières, normalement déjà « touchées du doigt » à l’étape précédente. Il est important d’identifier ces résistances et de s’y confronter. L’enquête introspective continue ici, car pour progresser, il faut lever ces freins (un hypno thérapeute peut, éventuellement, vous y aider). Si vous souhaitez progresser en apnée, que vous vous accordez du temps à sec pour travailler votre cardio, vos temps, votre mental, vous devez être en mesure, dans l’eau, de répercuter ces efforts. Si ce n’est pas le cas, il faut vous interroger sur vos résistances. Plus vous en apprendrez sur ces dernières, mieux vous vous connaitrez et découvrirez les moteurs qui vous anime dans la pratique de votre discipline. Ces moteurs (motivation) vous permettront de vaincre vos freins et de sortir de votre zone de confort.

  • Travailler sur vos résistances

En vous confrontant à vos résistances, l’idée est de les déraciner, de remonter leurs constructions pour les comprendre, les mettre à plat et les dépasser. Nos réactions à la peur servent à nous protéger. Parfois c’est concret, parfois c’est imaginaire ou symbolique. Il s’agit de comprendre ce qui se passe en nous et de le déprogrammer ou de créer une autre réaction en nous en réponse à cette peur : c’est le début du changement de paradigme.

Après avoir défait les derniers liens, vous pourrez alors quitter sereinement cette zone de confort, repoussez vos limites et grandir.

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© Alex Voyer

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Photo principale de l’article : © Alfred Minaarr

Une pensée sur « Motivation, zone de confort et performances en apnée »

  1. Très intéressant
    La notion de plaisir à l’entraînement passe également, pour moi , par une variété des exercices proposés.
    Cela permet de ne pas se mettre en tête nos limites de la fois precedentes.
    Cela peut être en statique, de ne pas avoir les timing énoncés par exemple
    En dyn , travailler en poumons mi pleins , ou en lachant des bulles , en variant les rythmes….

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