Secrets de coach pour la performance des athlètes : José Mourinho

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Petit aparté rapide avant toute chose

Avant de commencer cet article, je cale un aparté contextuel au regard des compétitions qui se déroulent en ce moment.

Mondiaux d’apnée, Koweït 2023

mondiaux apnée koweit 2023

Adressons une pensée à tous les apnéistes actuellement présents aux Mondiaux d’apnée qui se déroule du 7 au 13 Mai 2023 au Koweït. Une grande absente cette année chez les femmes, pour des raisons de santé : Mirela Kardašević, apnéiste croate, 4 fois championne du monde ; un grand absent également chez les hommes, Mateusz Malina (raisons de santé expliquée sur les réseaux) qui détient dix records mondiaux d’apnée dynamique monopalme, le dernier avec une performance de 321 mètres en 2022 (apnéiste qui a été largement suspecté de prise de béta-bloquants en 2020 à la compétition de Dubaï ; APDI ne se prononce par sur ce point et ne fait que relater le fait, largement disponible ici et pour la réponse de Mateusz Malina à ses détracteurs).

Rectification au 10 Mai 2023 : Mateusz Malina est bien présent aux Mondiaux 2023 et a réalisé une performance de 228,80 mètres en DNF hier matin.

Championnats de France 2023

Dans la foulée, applaudissons les performances réalisées le 7 Mai 2023, aux Championnats de France, par les athlètes suivants.

Dynamique monopalme femmes, Seniors

  • Morelle Estelle : 181,28 mètres
  • Dispagne Ondine : 163,13 mètres
  • Calas Mathilde : 161,60 mètres

Dynamique monopalme hommes, Seniors

  • Rousseau Cédric : 245,84 mètres
  • Lesaffre Clément : 219,07 mètres
  • Laffin Eddy : 214,46 mètres (pénalité)

Dynamique monopalme femmes, Master

  • Ernwein Béatrice : 200 mètres
  • Tabourel Florence : 163,90 mètres
  • Menou-Arnoux Emmanuelle : 144,50 mètres

Dynamique monopalme hommes, Master

  • Kohn Stéphan : 204,93 mètres
  • Rue Patrice : 186,17 mètres
  • Corbel Christian : 175,46 mètres

Dynamique bi-palmes femmes, Seniors

  • Veron Agnès : 178,10 mètres
  • Cazalens Isabelle : 151,10 mètres
  • Perdomini Morgane : 145,88 mètres

Dynamique bi-palmes hommes, Seniors

  • Lesaffre Clément : 210 mètres
  • Terrin Frédéric : 180,25 mètres
  • Provenzani Kevin, 177,66 mètres

Dynamique bi-palmes femmes, Master

  • Cordier Frédérique : 166,90 mètres
  • Gueguen Laurence : 163,93 mètres
  • Tabourel Florence : 138,65 mètres

Dynamique bi-palmes hommes, Master

  • Ducrocq Sylvain : 171,55 mètres
  • Royer Christian : 163,11 mètres
  • Duraffourg Igor : 154,60 mètres

Apnée statique femmes, Seniors

  • Goudal Laurence : 5’49
  • De Saboulin Bollena Juliette : 5’47
  • Passalboni Anne Sophie : 5’40

Apnée statique hommes, Seniors

  • Piveteau Julien : 7’45
  • Boscari Alexandre : 7’22
  • Pirio Antoine : 7’18

Apnée statique femmes, Master

  • Menou-Arnoux Emmanuelle : 7’06
  • Gueguen Laurence : 6’31
  • Glon Catherine : 6’29

Apnée statique hommes, Master

  • Marchal Erie : 8’34
  • Lachiver Eric : 8’19
  • Vinceneux Jean : 8’14

Allez, on y va ! Au menu de jour : le coach José Mourinho

Troisième article sur les secrets de coach pour la performance des athlètes. Bon, j’annonce tout de suite qu’il s’agit encore d’un coach d’équipe, mais pas des moindres… Pour le prochain article, j’aborderais un coach d’athlète solo (Patrick Mouratouglou, coach de Serena Williams), promis ! Pour le coup, José Mourinho est un coach très intéressant pour son palmarès de victoires, qui en dit long sur son mental et c’est cela qui peut être intéressant de voir, pour un apnéiste. Ce nom, à lui seul, symbolise la victoire : José Mourinho a remporté 20 titres, en 10 ans, dans 4 pays dont 3 en Europe. Il a, à son actif, 25 titres de Champion.

Partout où il passe, ça gagne, ça gagne, ça gagne.

C’est pour cet aspect très orienté victoire que je voulais le mettre dans cette série « spéciale coachs ». Il faut admettre que ses règles sont purement axées sur l’équipe et pas sur l’athlète solo : elles peuvent, en tout cas au premier abord, sembler difficilement applicables, pour le coup, à notre discipline, l’apnéiste étant plutôt un « athlète solo ». Mais, dans le fond, les règles de José Mourinho sont parfaitement applicables à l’apnée, car c’est – par excellence – le coach de la ferveur, de la connexion, du conditionnement mental, du choix personnel et de la réussite. Le coach du « contact », du « skin-to-skin ». C’est aussi, sans doute, le seul article sur le sujet qui pourrait « parler » autant aux apnéistes qu’aux coachs ou professeurs, car José Mourinho développe, en fait, non pas des règles de vie liées à son vécu (comme le fait Jillian Ellis ou Glenn Doc Rivers), mais bien des principes de coaching, pour optimiser le potentiel des athlètes au sein d’une équipe. Il sait, littéralement, pousser une équipe vers la victoire, ce qui peut être intéressant pour des coachs de groupes d’apnée « expert » ou « compétition » par exemples (il y a des lignes « apnée expert » et « apnée compétition » dans tous les clubs) ou, plus généralement, pour tout prof qui souhaite faire progresser ses élèves au sein du groupe d’apnéistes qu’il entraine.

Si vous n’êtes pas capables de coacher de grands joueurs, vous ne pourrez coacher personne. C’est fondamental pour un coach de comprendre que vous n’allez pas apprendre aux joueurs à jouer au football. On n’apprend pas à Ronaldo à tirer un coup franc. On n’apprend pas à Ibrahimović à faire un contrôle de la poitrine. On n’apprend pas à Drogba à attaquer au premier poteau et à marquer une volée. On leur apprend à jouer au football dans cette équipe.

Si le football était Hollywood, José Mourinho serait George Clooney. Allez, on se lance !

  • Règle n°1 : Cerner son public
  • Règle n°2 : Quand on est prêt à affronter le pire, on est prêt
  • Règle n° 3 : L’offensive de l’outsider
  • Règle n°4 : Certaines règles doivent être enfreintes
  • Règle n°5 : Le train ne passe jamais 2 fois
  • Règle n°6 : On entraine des équipes, pas des joueurs

Règle n°1 : Cerner son public

En Janvier 2022, José Mourinho est nommé entraineur de l’équipe de football de Porto, une équipe qui est alors démotivée, sans passion et qui connait ses pires résultats depuis 20 ans. Progressivement, les supporters s’en détourne, car cette équipe met peu en avant les valeurs du nord du Portugal, un endroit où les gens travaillent durs, où – comme le précise José Mourinho – « tu mouilles le maillot ». Au cours des matchs, l’équipe est mauvaise et la ferveur des supporters, absente. Il manque une connexion et une harmonie entre les joueurs et entre l’équipe et les supporters. Le premier challenge de José Mourinho a été de retrouver une connexion avec les supporters, connexion qu’il estime fondamentale lors des matchs, car elle mobilise l’équipe.

Parfois, on entend le stade changer. On entend que le bruit est différent. Si l’équipe doit marquer, le stade fait un bruit incroyable pour les motiver. Quand le résultat est bon mais que les supporters ont un peu peur pour la suite du match, le bruit se calme. C’est un indicateur de la tension ambiante et une source inépuisable de puissance pour l’équipe sur le terrain.

Pour retrouver cette connexion, José Mourinho va utiliser une méthode qualifiée de « peu orthodoxe » par les médias : il recrute les joueurs non pas sur leurs compétences athlétiques mais sur leur profil psychologique. Il écume les divisions inférieures en quête de diamants bruts, des joueurs locaux, avec un sentiment fort pour le club et un esprit de compétition, de combativité, de sacrifice. Les joueurs sélectionnés n’ont pas de titre, ni d’expérience internationale. Les résultats portent leurs fruits dès 2003, où la nouvelle équipe, soudée, remporte tous les matchs à domicile et se sélectionne pour le tirage de la Champions League. Elle est alors classée parmi les premières équipes au Portugal et 10ème au niveau européen.

José Mourinho secrets de coach apnée performance

José Mourinho sondant le stade !

-> La ferveur dans l’apnée : les épreuves hypercapniques lors des compétitions

Il faut admettre que la ferveur externe, l’excitation et l’adhésion massive du public et l’énergie que cela génère lors d’une prise de performance n’est pas quelque chose de présent dans l’apnée, en tous cas au niveau des entrainements (elle n’est présente pour aucun sport lors des entrainements) ou des disciplines comme l’apnée statique (on privilégie le calme, y compris lors des compétitions d’apnée), le dynamique (monopalme, bi-palmes) ou le DNF. Mais elle est très présente sur certaines disciplines (comme le 8×50 mètres ou le 16×50 mètres ainsi que sur le 100 mètres speed) lors des compétitions. J’ai déjà entendu un ami me dire qu’il ne se présentait aux 16×50 mètres que « pour l’ambiance dans les gradins au moment de la performance. Parce que tout le monde crie, tout le monde t’encourage et même si tu ne l’entends pas quand tu reprends de l’air, tu le sens, il se passe un truc, ça te motive et c’est super agréable. » Les épreuves hypercapniques et les épreuves de speed arrivent toujours en fin de journée lors des compétitions d’apnée. Les autres athlètes ont terminé leurs performances, la pression est relâchée (c’est l’attente des podiums) et les apnéistes (comme, parfois, le public externe lorsqu’il a la patience d’attendre ou qu’il vient en fin de journée) sont alors dans les gradins, à encourager ceux qui ont eu le courage de s’inscrire à ces épreuves. L’inscription d’un apnéiste à ce genre d’épreuves (qui sont généralement préférées par les apnéistes qui viennent du monde de la nage avec palme) relève de motivations bien différentes : pour certains, c’est l’ambiance dans les gradins ; pour d’autres c’est « pour le plaisir » (sans doute pour partie lié à cette ferveur externe) et, pour d’autres encore, c’est parce qu’il s’agit de leur discipline phare. On voit bien que la ferveur joue un rôle, tant pour le public (j’encourage les apnéistes non compétiteurs à aller vivre ces moments-là, ne serait-ce que pour soutenir ceux de leur club qui s’y sont inscrits, car le moment est toujours intense), que pour certains apnéistes qui se présentent à ces épreuves uniquement pour ressentir cette ferveur.

-> La ferveur dans l’apnée : la mobilisation au sein d’une même équipe

Dans une moindre mesure, la ferveur peut également jouer positivement au niveau de l’équipe et renforcer sa cohésion. C’est le cas, notamment, lorsque vous vous inscrivez à une compétition d’apnée (régionale, départementale, nationale, en solo ou en équipe comme l’Open de Lyon) avec les gens avec qui vous avez l’habitude de vous entrainer, qu’il faut se mobiliser, se lever tôt le dimanche matin voire prendre le train pour une compétition plus importante. C’est le plaisir de ne pas être seul(e), de retrouver ses ami(e)s sur place. Mais c’est aussi la motivation à se dépasser, quand son club est là, à nous encourager, à regarder. Sur les petites compétitions, dans les gradins, les apnéistes qui attendent leur tour applaudissent à chaque sortie passée 100 mètres, ce qui est stimulant pour l’épreuve suivante. Une fois encore, j’encourage les apnéistes non-compétiteurs à se mettre en « mode plaisir » et à aller tester quelques compétitions régionales, pour découvrir l’ambiance qui règne sur le bord du bassin, une ambiance stimulante, où se mêle le stress mais aussi la motivation et les encouragements, tout cela générant une incroyable envie de se dépasser pour mieux se connaître et essayer de viser le podium.

Règle n°2 : Quand on est prêt à affronter le pire, on est prêt

Fin 2003, au siège de l’UEFA à Nyon, en Suisse, se déroule le tirage au sort pour la Champions League. Tout l’équipe du FC Porto suit le direct, à la télévision. À cette époque-là, Porto a connu une cinglante défaite contre Manchester United 8 ans plus tôt, elle est perçue comme une équipe « facile à battre » et n’a aucune envie que Manchester United sorte du tirage au sort de l’UEFA. José Mourinho évoque la peur, palpable dans la pièce. Il décide alors de modifier cet état d’esprit en le remplaçant par un état dans lequel l’équipe du FC Porto serait désireuse que Manchester United soit tiré au sort, pour prendre une revanche.

Et, chaque fois qu’un tirage avait lieu, je répétais à voix haute « pourvu que ce soit Manchester United, je veux que ce soit Manchester United », en boucle. Les joueurs ont fini par adhérer à la même volonté et la peur s’est dissipée doucement, pour être remplacée par quelque chose de bien plus puissant et constructif : la combativité, le désir de revanche.

Le tirage au sort tombe : FC Porto VS Manchester United. Il faudra donc battre Manchester United chez eux. L’entrainement commence.

-> Le rôle du conditionnement mental et de l’état d’esprit en apnée

Le conditionnement mental est l’une des clés dans la réussite d’un sport (avec l’aspect physique et l’aspect physiologique) quel qu’il soit. Particulièrement dans l’apnée, nous l’avons largement évoqué dans les articles précédents (notamment celui-ci, celui-là ou bien encore ce dernier article sur la zone de confort). En 2017, l’Institut du Bien-Être, de la Médecine et du Sport Santé publiait un article qui révélait que, pourtant, bien peu de sportifs travaillaient leur préparation mentale alors même que de nombreuses études soulignaient que cette dernière pouvait faire toute la différence lors d’une prise de performance.

La préparation mentale vise à lever les blocages – souvent inconscients – présents chez l’athlète (dans notre cas, l’apnéiste) blocages liés à des conditionnements personnels qui freinent le potentiel de l’apnéiste. La préparation mentale vise à permettre à l’apnéiste d’atteindre, le plus souvent possible en tous cas et particulièrement lors des compétitions, un état de « flow », c’est-à-dire un état dans lequel le niveau de concentration de l’athlète est maximal. A cette fin, la préparation mentale comporte plusieurs axes, qui doivent permettre à terme, à l’athlète, d’être autonome dans la recherche de cet état de « flow ». Les différents axes de la préparation mentale sont :

  • De permettre à l’apnéiste de définir, valider et atteindre les objectifs qu’il aura défini en amont (nous l’évoquions dans l’article précédent sur la connaissance de soi et l’intelligence émotionnelle),
  • De donner à l’apnéiste les outils nécessaires pour travailler mentalement l’optimisation de ses performances (dont la visualisation),
  • De permettre à l’apnéiste de disposer des bonnes ressources de travail pour apprendre à gérer ses émotions (notamment la gestion du stress et la prise de plaisir dans la pratique de son sport).

Ses ressources s’obtiennent dans un travail régulier avec une personne spécialisée, qui va encadrer l’athlète sur le long cours ou, du moins, jusqu’à ce que ce dernier puisse être autonome dans l’utilisation des ressources qu’il aura acquises. Les méthodes peuvent différer et chaque athlète a son propre chemin et ses propres préférences, libre à l’apnéiste d’interroger, de tester, d’appliquer. Nous avons évoqué pas mal de méthodes dans ce blog. Il y en a autant qu’il y a d’athlètes. Peuvent aider : le yoga, la sophrologie, la méditation, l’hypnose, la déconcentration de l’attention, la méthode Jacobson, la programmation neuro-linguistique. Dans tous les cas, ces préparations mentales apportent beaucoup de bien-être et de sérénité à l’athlète et sont bénéfiques autant dans la pratique de son sport que dans les épreuves du quotidien.

l'apnéiste Stig Avall Severinsen

Règle n° 3 : L’offensive de l’outsider

Lors du match de l’UEFA opposant Manchester United et le FC Porto, à la 25ème minute de jeu, Manchester marque un but qui démobilise Porto. La peur revient et l’équipe craint de ne pas pouvoir prendre sa revanche. José Mourinho explique qu’ils avaient décidé d’adopter une stratégie agressive, mais qu’ils attendaient le bon moment pour la mettre en place. Il décrit alors parfaitement comment la ferveur des supporters, dans le stade, a permis de décider de ce bon moment.

Encore une fois, j’entends le stade changer. Un moment de silence des supporters de Manchester. Ce silence me fait alors penser qu’ils préfèrent la défense à l’attaque. Ils jouent la montre. Ils essaient de nous empêcher d’égaliser, ils font des erreurs. Alors, maintenant, dans ce silence, on décide de se mettre à les presser, à les obliger à prendre des risques. Et on affronte cette peur avec un courage et une pugnacité incroyable. On attaque, on attaque, on attaque.

À la minute 90, un coup franc, la dernière chance pour Porto de remporter ce match. Un moment de courage énorme pour l’équipe.

Tu dois croire que tu peux battre la meilleure équipe d’Europe. Tu dois affronter ce moment avec courage. Tu peux fuir, te cacher, ou affronter ce trac avec courage et attaquer. Le stade était terriblement silencieux. Le moment était d’une intensité incroyable.

Le FC Porto marque et détrône Manchester.

On n’était pas la meilleure équipe, mais on a trouvé une stratégie. Je hais les matchs amicaux. J’aime la victoire. Le football, c’est la compétition.

Après cette victoire, deux grands clubs anglais contactent José Mourinho. En Juin 2004, il est nommé entraineur de l’équipe de Chelsea et part à Londres.

-> Le courage dans l’atteinte d’une performance, en apnée

Cette expérience témoigne que la ferveur externe et une bonne préparation mentale jouent dans la réussite, oui. Que la stratégie compte aussi, certes. Je retiens surtout de cet exemple que, même avec tous ces éléments, aucune victoire n’est gagnée sans courage. Le courage, c’est le cœur, cette motivation ultime qui dépasse toutes les autres et dont les racines se trouvent dans notre motivation personnelle à réaliser notre objectif. Sans cette motivation personnelle, que rien ne peut détrôner (sinon nous-mêmes), aucune préparation mentale, aucune stratégie, aucune ferveur ne pourra faire la différence. La motivation personnelle, c’est se poser les bonnes questions et le faire dès le début de la saison, pour construire son entrainement et progresser avec cette motivation chevillée au corps. C’est, par exemple, se demander :

  • Pourquoi je pratique l’apnée ?
  • Qu’est-ce que j’attends de ce sport ?
  • Quelles sont les performances que je souhaite faire, cette année, en apnée et dans quelle discipline ? Pourquoi ? Qu’est-ce-que m’apportera l’atteinte de cet objectif ?
  • Quand je définis mes objectifs, qu’est-ce-que cela génère chez moi, intérieurement, en termes d’émotions (peur, excitation, sentiment de ne pas pouvoir le faire) ? Si les émotions associées sont négatives, il faut revoir la copie (évoqué dans l’article précédent), si les émotions associées sont positives, il faut maintenant définir son programme d’entrainement à sec, consentir peut-être à certains sacrifices dans l’hygiène de vie (alimentaire, heure du coucher, fréquence et régularité des entrainements, etc.)

performance apnée citation rumi

La motivation personnelle s’entretient et se développe tout au long de l’année. Elle est fondamentale pour être endurant et maintenir son entrainement (en augmentant les charges) sur les mois à venir. Elle est fondamentale pour accepter, parfois, les contre-performances, la fatigue, les « bas ». Enfin, elle est renforcée et stimulée lorsque les objectifs intermédiaires de progression sont atteints (step by step), d’où l’importance de mettre des jalons sur le chemin de nos objectifs (nous en parlions dans l’article sur Glenn Doc Rivers). La motivation personnelle prend, pour finir, tout son sens le jour de l’épreuve, le jour du « coup franc » (« la pression est un privilège » vous vous souvenez ?), car c’est elle qui nous donnera ce supplément de motivation, ce courage à ne pas sortir avant d’avoir réalisé notre objectif sur une compétition (ou lors d’une prise de performance à l’entrainement, pour les apnéistes non compétiteurs).

Nul doute, donc, qu’un apnéiste qui souhaite se dépasser devra sonder sa motivation personnelle avant toute chose, pour mettre en place son entrainement vers une atteinte de ses objectifs. Il peut en parler avec son entraineur, avec les personnes avec lesquelles il s’entraine, car dans une bonne visualisation, lorsque l’objectif est défini, il est ensuite fondamental de le partager auprès des gens qui nous connaissent, pour « sonder », rectifier, affiner « step by step » nos buts.

Règle n°4 : Certaines règles doivent être enfreintes

Huit mois plus tard, un petit scandale éclate : José Mourinho aurait dénigré un autre entraineur (Anders Frisk) et l’UEFA doit prononcer des sanctions. Et la sanction, sans surprise, tombe : José Mourinho est suspendu pour 2 matchs : il ne devra être présent ni sur le banc, ni dans les vestiaires, notamment pour un match important, les quarts de finale contre le Bayern Munich.

Le genre de match dans lequel mon équipe a besoin de moi, de ce que j’appelle le « peau à peau ». Vous êtes là, ils vous sentent, ils vous écoutent. Vous pouvez partager vos émotions. Je voulais être avec mes joueurs, mais je ne voulais pas prendre de risque ni remettre en jeu ma carrière. J’ai beaucoup réfléchi et j’ai quand même décidé de rester au vestiaire. Je me suis arrangé pour arriver très très tôt, de sorte que personne ne me voit. Et je suis reparti très tard, quand les rues étaient vides.

Pendant le match, les caméras balaient les gradins pour le chercher parmi la foule et ne le trouvent pas. L’UEFA pense alors qu’il est dans les vestiaires. Dans les vestiaires, José Mourinho est caché dans le panier à linge, qui est recouvert d’une structure en métal. L’UEFA envoi un intendant vérifier les vestiaires. Ce dernier ne le trouve pas et, pour rassurer l’UEFA et éviter d’avoir à redescendre ultérieurement, retire du vestiaire tout ce qui pourrait porter à confusion : il verrouille le panier à linge et l’emmène à la buanderie. Chelsea remporte le match à 4 contre 2. Et, pour la première fois, José Mourinho explique que ce jour-là ce n’est pas tant la victoire qui a compté, mais ce que lui a été capable de faire pour mobiliser ses joueurs.

On fait tout pour sa famille. Des sacrifices, enfreindre les lois.

En 2007, José Mourinho quitte Chelsea par consentement mutuel, après 3 ans de bons et loyaux services et rejoint l’Inter de Milan en 2008.

-> Le choix personnel en apnée

Plus que de chercher à enfreindre des règles (sur ce sujet, je réalise en me relisant qu’il peut être intéressant que vous lisiez la réponse Mateusz Malina dont le lien est donné en intro, car il ne revient pas sur ce qui lui est reproché mais explique plutôt quelles sont les règles et les substances interdites en fonction des compétitions CMAS, AIDA, ce qui peut faire sourire, sur le fond comme sur la forme, mais instructif et qui colle assez à l’idée de l’article), il s’agit ici de faire des choix personnels qui vont servir nos objectifs en apnée (bah oui, du coup voilà pourquoi je cite ce lien !). Ce point rejoint largement celui que nous avons évoqué plus haut et qui a trait au courage, à la motivation personnelle dans l’atteinte de nos objectifs et au sacrifice que l’on peut envisager pour l’atteinte de nos objectifs. Nul besoin de s’étendre là-dessus, donc, je pense que le lecteur aura compris l’idée et son importance. Précisons aussi l’intérêt de pouvoir se reposer sur son entraineur, son professeur, son coach, sa présence, ses mots à notre attention. Sentez-vous libre d’échanger avec votre coach et appréciez pleinement ses mots et son jugement, toujours positif.

Règle n°5 : Le train ne passe jamais 2 fois

En 2010, après deux années avec José Mourinho en tant qu’entraineur, l’Inter Milan est propulsé aux Champions League comme favori, une place que le club convoite depuis 50 ans. La finale de la Champions League 2010 oppose le Bayern Munich à l’Inter Milan et l’Inter Milan remporte le match.

José Mourinho explique deux choses qui ont conditionné la décision qu’il prend à la fin de ce match. La première est relative à l’expérience de son père. Lorsqu’il était adolescent, son père était entraineur de foot dans un club portugais et générait de très bons résultats avec ce club : il a donc été abordé par un autre club qui lui a proposé une grosse somme d’argent, qu’il a refusé pour rester avec son club portugais, qui l’a viré quelques mois plus tard.

Dans le foot, la plupart du temps, quand un entraineur quitte le club c’est parce qu’il a été viré. Il a toujours été important, pour moi, de quitter un club par moi-même.

La seconde est davantage relative à un rêve qu’il a depuis le début de sa carrière : remporter la victoire dans les 3 plus grands championnats d’Europe. Quand il rejoint l’Inter Milan, il a remporté la victoire avec l’Angleterre. Le soir du match, il l’a remporte avec l’Italie. Pendant l’entrainement menant à la Champions League, une grosse somme d’argent lui est proposé, du Real Madrid, pour partir avec le challenge de vaincre Barcelone pendant la Liga. Il hésite longuement sans pouvoir prendre de décision. C’est le soir de la victoire de l’Inter Milan, qu’il prend sa décision et accepte de quitter l’Inter Milan pour rejoindre le Real Madrid.

Le soir de la victoire, je ne suis pas allé au vestiaire féliciter les joueurs, j’ai évité le bus, je ne suis pas retourné à Milan avec l’équipe. Parce que si je l’avais fait, je ne serais jamais parti de l’Inter pour le Real. J’ai donc décidé de fuir. Et, en prenant la voiture, je vois le bus, je vois un joueur devant le bus. On s’est approchés, on s’est serrés dans les bras, on a pleuré. Pas un mot. Je suis parti comme ça.

-> La motivation personnelle lors de la prise de performance, en apnée

Ici encore, pas besoin de développer l’idée : motivation personnelle et choix. Il s’agit aussi, lors du moment décisif, de faire les choses, quoi qu’il en coûte. Nous avons déjà développé ces points et je ne reviens pas dessus. Au moment de la prise de performance, ne renoncez-pas, vous avez des objectifs, vous vous êtes entrainés dur pour y arriver, ne sortez pas de l’eau avant de les avoir atteint, ce moment est une opportunité de sortir grandi et d’avancer pour la saison prochaine.

Règle n°6 : On entraine des équipes, pas des joueurs

En 2011, José Mourinho devient donc l’entraineur officiel du Real Madrid. L’équipe compte Ronaldo comme ailier retors, dribleur habile. Au fur et à mesure des entrainements, José Mourinho décide toutefois de modifier la place de Ronaldo sur le terrain, pour créer la meilleure solution pour l’équipe. À la finale de la coupe contre Barcelone, Ronaldo devient donc attaquant et joue au 9ème poste.

Les joueurs doivent comprendre le jeu, parce que pendant le match, je ne peux pas le faire pour eux. Je les aide, mais ils doivent agir seuls. Les joueurs sont des talents exceptionnels mais sans l’équipe, ils ne peuvent pas exprimer tout leur potentiel.

La Coupe du Roi est remportée par le Real Madrid, pour la première fois depuis 18 ans, avec une tête de Ronaldo.

-> L’équipe et l’apnée

Il y a différents niveaux de lecture de l’équipe, dans notre discipline. Celle qui nous motive à nous déplacer à l’entrainement quand l’hiver est là ou que l’absence de motivation est présente et celle qui nous permet, lors d’une compétition (nationale, internationale) d’adopter une stratégie pour gagner.

A notre niveau, bien que l’apnée soit un sport assez individuel, l’équipe y joue quand même un rôle important. Il n’est pas rare de ne pas avoir envie d’aller s’entrainer, mais de le faire parce qu’on sait qu’on va y croiser les copains ; pareil pour les compétitions, où l’on sait que l’on va revoir les têtes qu’on ne voit pas ailleurs sinon ou parce que l’ambiance entre les personnes d’un même club et d’une même ligne est enthousiasmante. Ce genre de solidarité est mobilisatrice à l’année, bien qu’elle se vive pleinement lors des échéances communes. Elle permet aussi de se dépasser lors des entrainements, lorsqu’on souhaite progresser.

Au niveau national, dans l’équipe de France, ils mettent en place ce que l’on appelle le « poisson pilote » : c’est la personne de l’équipe qui, le jour de votre performance, vient vous réveiller, préparer vos affaires, vous apporter les choses dont vous avez besoin (nourriture, plombs, matériel) de sorte que vous n’ayez à vous soucier de rien jusqu’au moment de votre performance. Dans l’eau, au moment de la performance, bien sûr que l’apnéiste est seul, mais avant ce moment, se sentir en équipe est quelque chose qui encourage et réchauffe. Sur des compétitions importantes, le poisson pilote peut même (sur des épreuves comme en statique), vous permettre d’adopter une stratégie : si vous annoncez un temps haut, vous partez sur les dernières séries et votre poisson pilote, lorsque vous serez immergé, aura connaissance du temps à faire pour être sur le podium : avec un signe convenu, il peut vous inciter à sortir de l’eau dès que ce temps est atteint, vous évitant ainsi une quelconque prise de risque disqualifiante (PCM, syncope) dans la recherche de la performance ou du podium. De nombreuses médailles ont été obtenues ainsi ces dernières années.

Dans ma carrière, j’ai appris que le football était un peu de tout. Un art. Une histoire de cœur. La gagne. Le concept de l’équipe en est l’une des plus belles choses. A la fin, les trophées remportés avec les équipes, les générations, les groupes c’est ce qui reste dans l’histoire du football. Dans toutes mes expériences il y a un côté humain, l’équipe, la fratrie, la famille. Ces choses-là restent à jamais.

Photo de couverture, © Alex Voyer

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