Mode apnée : activé

Comment mettre son organisme en mode apnée, pour réaliser une performance dès l'immersion

Le « mode apnée » est un état d’engourdissement conscient, une sorte de léthargie dans laquelle les fonctions vitales sont ralenties mais où la conscience (du corps, des ressentis) est très présente, parfois aiguisée. C’est un état dans lequel on se sent bien, reposé, disposé à ressentir finement sa glisse dans l’élément liquide.

« Est-ce que tu entends l’eau quand tu ondules ? » m’a demandé, il y a quelques jours, un ami (que j’embrasse au passage). Je trouve que cette phrase, à elle seule, arrive bien à montrer l’état dans lequel corps et esprit doivent être, idéalement, à l’immersion (non, je ne l’entends pas encore 😉 )

apdi-villefrance-daan-verhoeven-entrainement-de-l'apnéiste

© Dan Van Der Hoeven

Le « mode apnée » suppose :

  • Un relâchement musculaire profond (un point sur la méthode de relaxation progressive Jacobson ici),
  • Un mental libéré de tous soucis personnels, de toutes pensées parasites, de toutes contraintes, de toutes idées négatives et notamment celles liées à la difficulté à venir,
  • Une conscience aiguë de l’instant présent en soi,
  • Une conscience aiguë de l’instant présent autour de soi (avant l’immersion).

C’est un état de pleine conscience, qu’il est fondamental de trouver avant l’immersion, car il permet de changer la donne. Avez-vous déjà remarqué comme, spontanément, il est plus simple (par j’ignore quels mécanismes), de penser d’un exercice ou d’une action, que c’est impossible plutôt que possible et réalisable ? Ce raisonnement est vrai dans tous les domaines de la vie. C’est un raisonnement limitant : si l’esprit pense qu’il ne peut pas le faire, le corps ne le fera pas. En apnée, essayez, pour vous en convaincre, de soumettre à vos élèves des exercices qui sortent du cadre habituel :

« On va partir sur 3 x 75 mètres poumons vides » 

« On part sur 100 mètres le plus lentement possible »

« Aujourd’hui, no warm-up »

Appréciez la décomposition de leurs visages et leur (absence de) motivation : ça râle, ça explique qu’aujourd’hui la forme n’y est pas, que la journée a été longue, qu’ils sont là pour se détendre, qu’ils ne l’ont jamais fait (sous-entendu, ça n’est donc pas faisable) et j’en passe. Pourtant, ces exercices sont non seulement parfaitement réalisables (testés dans un groupe de N2 avec 4 inspirations possibles, où l’apnéiste le souhaitait, pour le 100 mètres) et, bien préparés mentalement en amont, les apnéistes y trouvent un vrai plaisir et un surplus de détente physique et mentale.

Alex Voyer, photo galerie Apnée, photo sous-marine, photo Diatomée, photo apnée, Sofia Gomez Uribe

© Alex Voyer

N’oubliez jamais que toute réussite dépend d’un point de vue, d’une attitude, d’une visualisation. En apnée, 80% de la réussite dans l’eau, c’est du mental (indépendamment de la préparation physique, indispensable). Prenez l’habitude de vous relâcher avant la mise à l’eau : l’apnée est une discipline qui s’exerce en harmonie entre son corps et son mental, entre soi et l’eau. Il n’y a pas de place pour la lutte en apnée. La zone d’inconfort, bien maitrisée, apporte également du plaisir (le fameux plaisir, un peu sado, de la douleur) et la satisfaction personnelle d’avoir dépassé son Personal Best (PB pour les intimes).

Chacun a des clés pour emmener son corps et son esprit dans cet état. Mais le travail sur le souffle et la décontraction n’est jamais achevé : il y a toujours une nouvelle technique à apprendre, une partie du corps à détendre, une insertion réticente.

 On n’a jamais fini de détendre complètement le corps, c’est une gymnastique mentale sans fin  Loïc Leferme

Apprendre à ne penser à rien est la chose la plus difficile, contre naturelle et laborieuse qui soit. C’est pourquoi je vous laisse ici cet article, sur les méthodes que j’utilise pour me détendre et quelques autres, puisque tout change, tout le temps, en fonction de ma forme, de mes discussions avec les apnéistes et de mes ressentis personnels.

Un dernier mot : le travail de relaxation musculaire et mentale doit, idéalement, être utilisé chaque jour, pas simplement pour l’apnée. D’abord parce que seule la pratique vous permettra d’entrer rapidement dans un « mode apnée » et, d’autre part, parce que plus vous aurez l’habitude d’entrer dans ces états de conscience, plus vous vous sentirez mieux au quotidien, dans d’autres activités. S’ancrer dans le présent en mettant de côté l’esprit rationnel et cartésien, toujours plein de pensées et de préjugés, permet rapidement :

  • De devenir plus intuitif,
  • D’être moins stressé,
  • De percevoir les situations dans leur étendue globale (et non partielle, biaisée, fonction de ce que le cartésien déduit, en rapport avec nos codes de valeurs et de conduite et non en fonction de la réalité),
  • Mieux répondre ou agir dans une situation donnée, en faisant progressivement disparaître les facteurs limitants.

Bajau, peuple d'Indonésie, champions des records mondiaux d'apnée

© National Geographic, les Bajaus – Nomades des Mers

 La respiration

Apprendre à faire de l’apnée, c’est apprendre à mieux respirer. Et apprendre à mieux respirer, c’est apprendre à mieux vivre. (…) Ce sport m’a ouvert une porte sur l’immensité du territoire qu’est la respiration. Fondamentalement, apprendre à la maîtriser est un moyen de reprendre le contrôle : de son corps, tout d’abord – la respiration est la seule de toutes les fonctions dites autonomes sur laquelle il est possible d’agir – mais aussi de l’esprit. J’ai découvert à quel point, en modulant le rythme et la profondeur de ma ventilation, je pouvais modifier mes émotions, mes états de conscience, ma concentration et mon calme – Guillaume Néry

 La respiration est à la base des techniques de relaxation. Se concentrer sur sa respiration permet, naturellement :

  • De s’ancrer dans le présent,
  • De se tourner à l’intérieur de soi et de ses ressentis,
  • De libérer son esprit des idées parasites,
  • D’abaisser son rythme cardiaque.

I. Apprendre à respirer

La respiration complète passe par 3 niveaux :

  • L’étage abdominal,
  • L’étage thoracique,
  • L’étage scapulaire (supérieur).

Apprendre à respirer, c’est apprendre à respirer « du bas vers le haut » c’est à dire de l’étage abdominal vers l’étage scapulaire. Un bébé sait respirer : lorsqu’on le regarde dormir, c’est son ventre qui bouge, pas sa cage thoracique. Allongez-vous et regardez-vous respirer dans un miroir (si vous le pouvez) : plus rien ne bouge ou alors, faiblement, votre cage thoracique. Il s’agit donc, en fait et plus précisément, de réapprendre à respirer. Dans les premiers temps, l’idéal est d’arriver à dissocier ces 3 étages : l’exercice de dissociation permet de se tourner à l’intérieur de soi et d’être à l’écoute de ses ressentis physiques.

martin zapanta préparation à une descente en mer

© Martin Zapanta

Exercice de respiration avec dissociation (idéalement, à jeun) :

  • Asseyez-vous en tailleur, le dos droit, dans une position qui vous est confortable. Placez une main sur l’abdomen et l’autre main sur le thorax ;

-> Inspiration (du « bas vers le haut ») :

  • Inspirez en vous assurant que seule la main posée sur l’abdomen bouge (les étages thoracique et scapulaire ne sont pas sollicités). Dans ce mouvement, le diaphragme descend, l’abdomen ressort, le ventre se gonfle ;
  • Lorsque l’abdomen est entièrement gonflé, continuez l’inspiration en vous assurant que seule la main posée sur le thorax bouge (l’étage abdominal n’est plus sollicité et l’étage scapulaire ne l’est pas encore). La cage thoracique s’ouvre et ressort ;
  • Terminez en remplissant l’étage scapulaire : finissez votre inspiration en relevant légèrement la tête. Ce mouvement va remonter la cage thoracique (et augmenter sensiblement son volume) et vous permettre de piéger encore un peu d’air dans les voies supérieures. La main posée sur l’abdomen ne bouge pas, la main posée sur le thorax peut bouger sensiblement à la remontée de la tête.

-> Expiration (du « haut vers le bas ») :

  • Expirez l’air des voies supérieures : la tête se relâche, les mains ne bougent pas ;
  • Expirez ensuite l’air de l’étage thoracique : la main posée sur le thorax s’affaisse, en suivant le mouvement du thorax, qui redescend ;
  • Terminez en expirant l’air abdominal : la main posée sur l’abdomen s’affaisse, en suivant le mouvement de l’abdomen, qui redescend.

Enchainez plusieurs fois cet exercice, jusqu’à parfaitement dissocier les 3 étages et percevoir votre souffle comme – ce que j’appelle personnellement – une vague. Le ressenti doit être fluide et intérieurement dissocié. Plus vous vous concentrez sur votre respiration, plus elle va se calmer et votre rythme cardiaque diminuer. Quand vous maitriserez bien la dissociation, vous ne prêterez plus attention à ces 3 étages, mais serez en mesure de remplir parfaitement votre espace pulmonaire avant une performance (et non pas seulement le haut des poumons, comme on le voit souvent).

II. Respiration préparatoire avant une prise de perf

Prise de performance en dynamique (DYN, DNF) :

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© Marc Henauer

Rappelons rapidement l’enjeu en dynamique : à l’immersion se met en place le diving reflex (je l’évoquais ici, dans l’article sur les réflexes physiologiques de l’apnéiste). Pour faire simple, le diving reflex c’est un réflexe de l’organisme qui se prépare à travailler avec une quantité d’O2 réduite. Il se traduit par une bradycardie (baisse du rythme cardiaque) réflexe et une baisse de l’allocation du flux sanguin vers les extrémités (doigts, bras, jambes) au profit des organes nobles (cœur, poumons, cerveau) – d’où les picotements dans les doigts sur certaines distances (et la classique phrase de tout coach « à partir de 100 mètres, checkez-vous, si vous sentez vos doigts, continuez » 😉

Le diving reflex est limité par l’échauffement et l’hyperventilation (on en parlait dans l’article sur le No warm up, LA méthode de mise à l’eau à adopter définitivement selon moi, notamment parce qu’elle oblige les apnéistes – quel que soit leur niveau – à apprendre à se détendre). L’exemple de respiration avant une performance en dynamique donné ici, doit s’envisager dans le cadre d’une préparation en No Warm-up et en étant un élément parmi d’autres dans votre protocole (étirements, visualisation).

  • Trouvez un lieu dans lequel vous vous sentez bien et adoptez une position confortable ;
  • Inspirez, en dissociant, pendant 4 secondes ;
  • Bloquez votre inspiration, poumons pleins, pendant 2 secondes ;
  • Expirant, en dissociant, le plus longtemps possible (12 à 20 secondes).
  • Répétez ce cycle plusieurs fois : une dizaine de fois est correcte. Cet exercice respiratoire va vous permettre d’entrer dans un état de relaxation indispensable à la prise de perf.

À titre personnel, avant de mettre en place ce cycle, je pratique 20 minutes d’étirements (bras, épaules, dos, lombaires – je vous avais mis des clés ) avec des poses ventilatoires spécifiques, ce qui, déjà, me permet de pas mal déconnecter d’une part et, d’autre part, d’étirer et d’assouplir les parties musculaires qui vont être sollicitées pendant l’effort. Vous retrouvez le principe du mouvement et de la ventilation dans le yoga (pour les aficionados) et le Qi-gong. Enfin, après ce cycle, si j’en ai le temps, je pratique la visualisation où alors je marche, en apnée, le long du bassin, en cherchant à faire la longueur que je ferai sous l’eau (préparer le corps à la distance et aux spasmes).

Vous trouverez, ici (en fin d’article), un exemple de protocole no warm-up avant une prise de perf en dynamique.

Prise de performance en statique (STA) :

La methode de relaxation musculaire profonde de jacobson adaptée a l'apnée en competition

© Eric Flogny

L’enjeu est bien différent du dynamique puisque rappelons qu’en statique, les membres ne sont pas sollicités. 3 challenges majeurs en apnée statique :

  • Aller chercher la plus grande décontraction musculaire et mentale possible,
  • Apprendre à gérer les spasmes et les sensations de fin d’apnée physiologique,
  • Donner au cerveau (via l’apport sanguin), des ressources pour tenir plus longtemps.

Pour la respiration préparatoire, on va donc privilégier ici un travail poumons vides, qui entraine :

  • Un déficit plus rapide (quasi immédiat) en O2, avec pour conséquences :
    • Une arrivée précoce des spasmes (habituation de l’organisme),
    • Une difficulté, pour l’organisme, à réaliser les échanges gazeux au niveau cellulaire, le sang – qui assure ces échanges via les globules rouges – étant en déficit d’O2 ;
  • Alerté, le cerveau abaisse le rythme cardiaque (calme le dispacth d’O2 à l’organisme) et la tension artérielle et sollicite la rate, pour qu’elle libère rapidement du sang dans le circuit.

Conséquences : Plus de globules rouges (à l’origine de la respiration cellulaire) dans le circuit sanguin et donc un stockage plus important d’O2 au moment de réaliser la performance en apnée.

L’exercice est en 2 phases, séparées par une récupération de 2’30 :

  • Une phase poumons vides :

Série d'apnées poumons vides pour préparation à une performance en apnée statique, méthode de Guillaume Néry

  • Une phase de récupération de 2’30 (pas plus) ;
  • Une phase poumons pleins suivie de la performance (NO LIMIT) :

Série d'apnées poumons pleins pour une préparation à une performance en apnée statique, méthode de Guillaume Nery

Note : en statique, généralement, le premier spasme (rupture physiologique) peut avoir tendance à stresser l’apnéiste voire accélérer la reprise ventilatoire. Pour réduire ce genre de facteurs limitants, achetez-vous un saturomètre (vous en avez pour 20€ max. sur internet) et utilisez-le pendant des séries d’apnées hypercapniques à sec, pour avoir une idée de votre rythme cardiaque et, surtout, de votre taux d’O2 sanguin pendant l’apnée. En règle générale, sur une apnée de 3’30, avec 0’40 de récupération juste avant, j’ai un rythme cardiaque à 50 et un taux d’O2 sanguin à 88% à la fin de l’apnée. Alors, c’est vrai que sur des séries hypercapniques on hyperventile pas mal, particulièrement sur des temps de recup courts, mais gardez en tête :

  • Qu’il faut 30 secondes à l’organisme pour récupérer parfaitement, pas plus et cela quelque soit votre temps d’apnée,
  • Qu’à 4 minutes, on est encore au dessus de 70% d’02 sanguin. Dis autrement : c’est pas parce que vous spasmez que votre organisme est en difficulté. Donc apprenez à oublier les spasmes (pour ceux qui en ont) et à vous vider la tête (ça baissera encore votre rythme cardiaque !),
  • Plus vous hyperventilez, plus la désaturation (baisse du taux d’O2 dans le sang) est rapide. En dehors des séries hypercapniques à sec (ou dans l’eau pour les séries de 25 ou de 50 bien encadrées), bannissez l’hyperventilation, les ressentis et les conséquences ne sont pas agréables sur des performances en DYN, DNF ou STA (syncope dans la majorité des cas, on en parle ici).

Autre avantage du saturomètre : vous pourrez tester en temps réel les effets des exercices respiratoires sur votre rythme cardiaque et ça c’est pas mal pour affiner votre protocole No Warm-up 😉

III. Respiration de récupération (sortie de performance) 

reprise ventilation après une performance en apnée, photo Sylvie Gilson, compétition Versailles 2018

© Stéphane Larroze

Lorsque vous vous apprêtez à sortir, votre cerveau le sait et votre cœur est prêt à se remettre à battre sévère, pour re-dispatcher, le plus rapidement possible, de l’O2 bien frais à l’ensemble de votre organisme. Ce processus peut prendre une vingtaine de secondes, c’est la raison pour laquelle la personne en charge de la sécurité de l’apnéiste doit continuer à être extrêmement vigilante à cette étape là : il n’est pas rare, si l’apnéiste a « trop poussé », qu’une samba voire une syncope, se manifeste dans ce délai, même après la reprise ventilatoire. C’est également la raison pour laquelle, en compétition, la validation de votre performance n’intervient pas avant un protocole de sortie précis, maitrisé et une attente de 15 secondes.

la sécurité en apnée : même après la reprise ventilatoire

© JP Valton

Pour optimiser votre reprise ventilatoire, commencez, lorsque votre tête s’apprête à percer la surface de l’eau, à expirer légèrement (n’expirez pas tout, n’expirez pas violemment). Quand vous êtes sortis, inspirez en dissocié 4 secondes et bloquez l’air poumons pleins 2 à 3 secondes : ce processus permet simplement de diffuser plus rapidement l’air dans les cellules et dans votre organisme, car votre tension artérielle est à un niveau maximum, prête pour le dispatch d’O2.

La visualisation

visualisation des performances et du geste athlétique en apnée, le pouvoir de l'imagerie mentale

L’imagerie mentale doit être mise en place une fois que vous êtes détendus (par des cycles ventilatoires ou après une auto-hypnose, par exemple). Elle consiste à visualiser un geste athlétique que l’on souhaite optimiser ou une performance que l’on souhaite atteindre et vise à préparer le corps à ce que l’on va lui demander de réaliser.

Une visualisation n’est efficace que si :

  • Vous lui associez les ressentis que vous avez en réalisant ce geste ou cette performance,
  • Vous lui associez un geste ou une performance réalisable par rapport à vos capacités physiques du moment. J’ai quelques exemples en tête d’apnéistes qui visualisent du 200 mètres alors qu’ils tournent aux 125 : ça se termine en bug, en syncope ou, dans le meilleur des cas, en déception avec la certitude que la visualisation ne fonctionne pas. La visualisation fonctionne très bien. Prenez le temps de grandir, sinon vous allez vous créer des facteurs limitants. Peu le savent mais une syncope crée un indicateur cérébral : la distance ou le temps auquel vous faites votre syncope est enregistré par le cerveau qui, pendant 6 mois, vous fera faire une syncope à chaque approche de cette distance ou de ce temps. D’où l’adage populaire « une syncope c’est 20 mètres de perdu », qui peut se comprendre aussi bien physiquement que mentalement pour l’apnéiste, par la peur d’y retourner. Une syncope, c’est 6 mois d’entrainement que vous ne pourrez pas faire convenablement : évitez-la.

L’homme élabore plus de 80% des données par l’intermédiaire de la vue.

L’information motrice est mémorisée plus efficacement si l’athlète, en plus de la ressentir au moment de l’action elle-même, est aussi en mesure de la visualiser parfaitement en d’autres moments – Umberto Pelizzari

Plusieurs bénéfices de l’imagerie mentale :

  • Elle prédispose le corps à l’action que l’on va lui demander : prêt, réactif, moins stressé au moment de l’accomplissement ;
  • Elle permet un renforcement psychomoteur qui, au moment de la réalisation, optimise les chances de réussite.

La visualisation demande du temps : elle fait partie intégrante de l’entrainement, en amont de la compétition. 2 types de visualisations sont possibles :

  • La visualisation associée. L’athlète est acteur, il est impliqué dans la perception et l’émotion. La visualisation associée permet de travailler sur les variables du ressenti physique de l’accomplissement. Elle permet d’amplifier les sens et les émotions liés à la performance ou au geste, dans l’eau.
  • La visualisation dissociée. L’acteur est spectateur, il est dissocié de la perception et de l’émotion. Le traitement de l’information est technique, mécanique. Cette visualisation est moins entrainante émotionnellement.

Chacun de nous a un type de visualisation qui lui convient mieux : elle émergera naturellement quand vous commencerez à utiliser la visualisation. Il s’agit ensuite, simplement, de travailler avec le support que votre inconscient préfère et en faire un outil efficace. À titre personnel, il m’arrive d’utiliser les 2 types de visualisations. Je suis spontanément plus à l’aise avec la visualisation associée et je l’utilise pour « voir » une performance ; mais le travail technique se fait en visualisation dissociée. Je regarde d’abord, chez d’autres athlètes, ce que j’aime dans leurs gestes techniques, j’analyse puis je tâche de le visualiser en me l’appropriant, avec la connaissance que j’ai de mon corps, de ses forces et de ses faiblesses. Lorsque la visualisation dissociée me satisfait, je reproduis le geste en visualisation associée en analysant les ressentis du nouveau geste, dans l’eau. L’apprentissage est plus rapide ainsi et je suis moins stressé dans l’eau, quand je dois reproduire le geste ou la performance, parce que mon corps a compris où je souhaitais l’emmener.

Exemple de visualisation d’une performance (10 à 20 minutes) :

  • Installez-vous dans un endroit dans lequel vous vous sentez au calme et dans une position confortable (idéalement, allongé) ;
  • Prenez le temps de faire des respirations dissociées pendant une dizaine de minutes, pour être dans un état mental et physique parfaitement calme ;
  • Centrez votre attention sur votre respiration. Si des pensées parasites se manifestent, laissez-les passer sans les retenir. Vous pouvez également auto-suggérer à votre corps qu’à chaque expiration il est davantage détendu et ressentir, l’un après l’autre, vos muscles se dénouer (si vous choisissez cette option, faites toutes les parties de votre corps, les unes après les autres). Vous pouvez également porter votre attention sur tout ce qui se passe dans votre corps (entrée d’air froid, réchauffement le long de la trachée, l’abdomen qui se gonfle, expiration d’air chaud, etc.) ou en dehors, c’est à dire autour de vous ;
  • Lorsque vous êtes parfaitement détendus, faites 2 apnées d’échauffement (avec un temps de récupération égal à votre temps d’apnée) ;
  • Laissez-vous ensuite 3 à 4 minutes de récupération en continuant de détendre votre corps (c’est ici, normalement, que j’ai tendance à faire une induction légère pour entrer en auto-hypnose, j’y reviendrai, mais cette étape n’est pas indispensable, c’est juste qu’elle me convient parce qu’elle me permet de mieux ressentir l’étape suivante) ;
  • Puis refaites une nouvelle apnée en visualisant votre performance. Analysez votre départ, le mouvement de votre corps, sa position dans l’eau, les ressentis physiques à chaque mouvement, la glisse, le nombre exact de mouvements avant le premier virage, visualisez votre virage, le retour, la glisse, l’inconfort qui s’installe et le nombre exact de mouvements avant le second virage, visualisez votre second virage, etc. jusqu’à votre objectif de performance ;
  • Visualisez votre sortie et votre protocole de sortie (un clin d’oeil à l’apnéiste qui a visualisé le 200 mètres en oubliant de visualiser sa sortie et qui a fini en samba à 200 mètres alors que tout était beau et maitrisé – ça arrive et ça montre combien il est important de visualiser une performance dans sa totalité).

Essayez de reproduire cette visualisation chaque jour avant l’échéance.

Je termine en précisant que la maitrise de la respiration (Yoga, Qi-gong, exercices personnels, éventuellement Pranayama) et la visualisation sont 2 outils indispensables pour tout athlète, particulièrement en apnée. Je souhaitais évoquer dans l’article l’auto-hypnose et la déconcentration de l’attention mais il s’agit là d’autre chose encore qui, à mon sens, vient après la maitrise de la respiration et de la visualisation. Et l’article est déjà bien long, alors je reviendrai prochainement sur ces points.

Dernière chose : le facteur limitant chez tous les apnéistes, c’est le mur (oui, les piscines ont des murs, c’est ainsi). On entend toujours des perfs qui s’arrêtent aux murs (ou à la ligne du milieu, dans un bassin olympique) : 75 mètres, 100 mètres, 125 mètres, 150 mètres, « je peux pas, j’ai un mur aux 150 mètres ». C’est un exemple assez frappant de la logique cartésienne. Prenez l’habitude de faire le virage, même si c’est le dernier de votre perf, même si vous ne remettez pas de coup de palmes après, prenez le virage. Physiquement, il ne vous coûtera rien, mentalement il vous ouvre sur une nouvelle longueur et donc un nouveau possible. Faites sauter le mur. Et comme dirait mon coach « Les murs ne sont pas des arrêts naturels, perdez l’habitude de vous y arrêter ».

le virage en apnée : le mental fait la différence

Bon entrainement à tous !

 

 

Sources

Eric Launay – « Perfectionnement de l’apnée sous la houlette d’un champion du monde : Guillaume Néry »

Umberto Pelizzari, Federico Mana, Roberto Chiozzotto – « Préparation physique pour l’apnée »

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