Performance en apnée et menstruations

performance en apnée et menstruations

Petite introduction

L’apnée est un sport qui lie forme physique, forme physiologique et mental. Qui n’a pas déjà ressenti, lors d’une apnée statique, « qu’aujourd’hui, ce n’est pas la forme ? » alors même que l’entrainement physique de fond est là et que nous sommes dans le moment / l’apnée ? Pour ceux qui sont les plus à l’écoute de leur corps, il n’est pas rare de constater, quelques jours après ce « jours sans », que le corps tombe malade et même s’il ne s’agit que d’un simple rhume, on peut aisément en déduire que notre physiologie se « battait » déjà contre quelques microbes au moment de notre apnée statique. L’apnée est, effectivement, une discipline complète, qui compte des « jours avec » et « des jours sans » et dans laquelle l’aspect physiologique est d’une grande importance. Le but de cet article n’est pas de revenir sur les points relatifs à la préparation physique, au geste athlétique ou à la préparation mentale mais bien d’aborder la performance en apnée sous l’aspect physiologique des menstruations chez la femme. Je pense qu’il s’agit là d’une réflexion nouvelle sur ce sport (très peu d’écrits sinon aucun sur le web), que j’ai décidé d’aborder car, bien souvent, les femmes indisposées ne viennent pas à la piscine ou sont en mauvaise forme ces jours-là précisément (quoiqu’il n’y ait aucune vérité universelle dans mes propos). Je précise ne pas être médecin et le point de vue que je livre ici est purement personnel.

Pour les points relatifs à la préparation physique, l’adaptation physiologique (homme et femme), le régime alimentaire (pistes de réflexions), le travail de souplesse et l’aspect mental de la discipline, je vous glisse ci-dessous un rappel des articles déjà publiés sur ces sujets.

• Préparation physique pour la performance en apnée :

• L’adaptation physiologique chez l’apnéiste :

• Piste de réflexions sur l’aspect alimentaire de la performance en apnée :

• Travail de souplesse pour le geste athlétique en apnée :

 • Mental et relaxation dans la pratique de l’apnée :

Performance en apnée et menstruations : pourquoi la question se pose ?

Ou, plus simplement : pourquoi les menstruations peuvent impacter la performance sportive, particulièrement en apnée ? Il y a beaucoup de littérature sur le sujet de la performance sportive et des menstruations, mais peu d’études poussées sur ce thème et encore moins lorsqu’il s’agit d’apnée (qui reste un sport de niche). Pourtant, en 2009, 37% des sportives (hors apnée) parlent de la douleur des règles comme d’une gêne à la pratique de leur activité sportive ; 64% pensent que le syndrome prémenstruel diminue significativement leur performance (Maître 2011). Le sujet me semble important car l’apnée repose, nous le savons, sur la respiration cellulaire elle-même réalisée par l’hémoglobine. Or les menstruations prennent la forme d’une perte sanguine – parfois importante et sur plusieurs jours – et les femmes menstruées, par ailleurs, ont un taux de ferritine inférieur à celui des hommes (et pour cause). D’autre part, le corps des femmes en âge de procréer est soumis à de grandes variations d’hormones pouvant également influer sur les performances de l’organisme. Je pose donc ici quelques réflexions sur ce thème : n’hésitez pas à commenter l’article si vous le souhaitez.

• Rappel de la respiration cellulaire

L’hémoglobine a pour fonction de transporter et libérer, dans les tissus, l’oxygène nécessaire à la respiration cellulaire, respiration fondamentale pour la vie bien sûr et fondamentale dans la pratique de l’apnée. Un taux d’hémoglobine normal se situe entre 120g/litre et 180g/litre chez l’homme et la femme. Il peut augmenter sensiblement grâce à des apnées quotidiennes (nous l’avions évoqué), ainsi qu’en altitude, traduisant une adaptation physiologique du corps à la raréfaction de l’oxygène. Lorsque le taux d’hémoglobine augmente lors d’un entrainement ou d’un séjour en altitude, il diminue très vite (sur quelques jours), dès lors que l’organisme revient au niveau de la mer, pour éviter les risques de caillots sanguins. Le corps est une merveilleuse machine. Le taux d’hémoglobine est différent pour chaque individu. Il varie notamment en fonction du genre (homme, femme) car les taux d’hormones sexuelles (déterminant les taux de testostérone circulant) ont un impact sur les pertes sanguines menstruelles ; du régime alimentaire, des troubles héréditaires, par exemples.

L’hémoglobine est fabriquée, pour partie, avec du fer : un taux de fer suffisant permet de maintenir une bonne énergie dans le corps et d’assurer le fonctionnement optimal de l’organisme. Le fer est un constituant de l’hémoglobine, il a différents rôles dont :

  • La bonne oxygénation du sang, des muscles, des organes ;
  • La réduction de la fatigue ;
  • Le bon fonctionnement du système immunitaire.

Les besoins en fer varient, notamment pour les femmes réglées. Pour mesurer les réserves en fer de l’organisme, on pratique une prise de sang dans laquelle on va mesurer la ferritine. La ferritine permet le stockage du fer dans l’organisme. Un taux normal de ferritine est situé entre 18 et 270ug/litre chez l’homme et entre 18 et 160ug/litre chez la femme. Ce taux plus bas chez la femme s’explique naturellement par les règles qui, chaque mois, font baisser le taux de fer de l’organisme, à l’origine d’une fatigue pendant cette période (sans compter les possibles douleurs abdominales). Cette baisse influe-t-elle sur les performances sportives et particulièrement en apnée ? Je n’ai pas trouvé de littérature sur le sujet. Il semble que la performance sportive chez les femmes menstruées s’analyse davantage à travers le ballet des hormones de l’organisme.

Performance en apnée et menstruations

 

• L’aspect physiologique du cycle menstruel

Le cycle menstruel peut être analysé sous forme de 5 grandes étapes physiologiques, caractérisé par des variations hormonales qui ne sont pas sans effet sur l’organisme et son activité : si, pour certaines femmes, certaines étapes de ce cycle peuvent augmenter la performance sportive, elles sont sans impact ou avec un impact négatif pour d’autres. Essayons ici simplement de comprendre ce qui se passe, dans l’organisme, au cours de ces différents cycles.

Étape 1 : le premier jour des règles, fatigue et apaisement

Lorsque j’en discutais avec une amie apnéiste, elle m’expliquait que, pour elle, les premiers jours des règles pouvait impacter positivement sa performance. Je lui ai alors demandé si elle savait pourquoi et elle a eu cette réponse que je trouve formidable « parce que, ne sachant pas si je vais être en forme ou non, je me laisse le droit d’échouer, je fais de mon mieux et j’arrive détendue. » Voilà peut être la meilleure définition du relâchement mental que l’on devrait tous avoir, en arrivant à un cours d’apnée (mais, de manière générale, dans la vie également : se laisser la possibilité que ça n’aille pas, écouter son corps et ses émotions, être honnête avec soi-même). Citons également l’exemple de Paula Radcliffe, une athlète britannique de marathon longue distance, qui a établi un record mondial le premier jour de ses règles, au marathon de Chicago en 2002. Ce qui se passe, physiologiquement, dans le corps d’une femme le premier jour des règles est la desquamation progressive de la muqueuse utérine, pour permettre à l’utérus de « faire le ménage » « faire peau neuve » avant le prochain cycle. Cela se traduit par une baisse conjointe des taux de progestérone (frein) et d’œstrogènes (accélérateur), entrainant une nécrose des glandes, du chorion et des vaisseaux responsables de la menstruation. Les professionnels de santé déclarent qu’à cette étape (qui peut durer jusqu’à 4 jours), une sensation de fatigue peut être ressentie et que l’abandon à cette sensation peut générer un apaisement. Les vagues d’hormones n’étant pas encore entrées en jeu, cette étape n’impacte peut être pas la performance sportive et, a fortiori, en apnée chez toutes les femmes.

Étape 2 : les règles

Le dynamisme, la motivation, la performance sont impactés différemment selon les femmes, au regard des quelques études publiées sur le sujet. Si certaines préfèrent le repos, d’autres souhaitent continuer l’entrainement. Les professionnels s’accordent à déconseiller une quelconque recherche de performance durant cette période, particulièrement les jours de flux ou de contractions intenses. Lors de cette étape, l’écoute de son corps est primordial, mais précisons d’emblée que tout le monde s’accorde à dire qu’avoir ses règles ne contre-indique pas, en aucun cas, la pratique d’une activité sportive.

Étape 3 : la phase folliculaire ou l’élan (phase de régénération)

Cette phase commence généralement à partir du cinquième jours des règles, elle suit donc immédiatement les règles. Elle est médicalement nommée la phase folliculaire. La phase folliculaire s’apparente à « une prise d’élan » pouvant redonner de l’énergie au corps et à l’esprit. Les professionnels de santé s’accordent sur le fait que cette phase peut être très différente (et ressentie comme telle), d’une personne à une autre, évoquant cet adage « qu’en matière de règles, il n’y a pas de règle ! ». Pendant cette phase, l’œstradiol prend le relai. L’œstradiol est une hormone œstrogène puissante, sécrétée par les follicules de l’ovaire. Elle est responsable du développement des organes sexuels et des caractères sexuels secondaires chez la femme. L’œstradiol est impliqué dans la régulation du cycle hormonal (voilà sans doute pourquoi cette étape est ressentie différemment d’une personne à l’autre) et aident à maintenir la grossesse lorsqu’elle se présente. L’œstradiol stimule la croissance de l’endomètre. Lorsque les œstradiols entrent en scène, pendant la phase folliculaire, les femmes peuvent donc ressentir une énergie nouvelle, qui peut être bénéfique dans la pratique de l’apnée ou d’une pratique sportive. Pendant cette phase, le taux de testostérone est élevé, ce qui a plusieurs conséquences physiologiques : une augmentation du dynamisme, de la motivation et une meilleure résistance à la douleur.  De nombreuses études soulignent que, pendant la phase folliculaire, l’organisme est plus enclin à puiser dans les réserves de glycogène, ce qui le rend plus enclin – de facto – au travail d’explosivité et au développement musculaire, ainsi qu’à la reprise d’une activité sportive. Une étude suédoise de 2016 souligne que la reprise d’une activité sportive pendant cette phase favorise un meilleur développement musculaire.

Étape 4 : l’ovulation, le pic des hormones

C’est la période de la fertilité, la phase dite « d’ovulation », pendant laquelle tout le jeu des hormones se manifeste. Les sens sont exacerbés. Une étude datée de 1994 souligne que « pendant cette phase, le visage des femmes est plus symétrique ». Le corps de la femme est alors prêt à accueillir une éventuelle grossesse. Cette phase, qui semble physiologiquement rendre les femmes plus ouvertes et avenantes (dixit cette même étude), se situe en dehors des menstruations et apporterait énergie importante à la femme réglée. Cette phase s’accompagne d’une hausse significative des taux d’œstrogènes, avec plusieurs contre-coups physiologiques : coups de fatigue (dus à l’ovulation) et augmentation de la souplesse ligamentaire (avec un risque accru de blessure dans le cas d’un travail d’assouplissement). La performance semble ne pas à rechercher pendant cette phase.

Étape 5 : la phase lutéale (prémenstruelle), le creux de la vague

Cette phase, qui commence 3 jours après la précédente (l’ovulation) est dominée par la production de progestérone (frein) et la baisse progressive des œstrogènes (accélérateur). L’organisme est, pendant un temps, soumis à deux forces contradictoires pouvant entrainer des variations de bien-être, d’humeur, une baisse de l’énergie, une fatigue accrue, des ballonnements, des migraines, des douleurs corporelles (poitrine, ventre), une rétention d’eau. Cette phase prémenstruelle peut impacter négativement (selon les femmes) la performance sportive. Physiologiquement, la température corporelle augmente, la sensibilité à l’insuline se modifie (dans la recherche énergétique, l’organisme se tourne alors davantage vers les lipides que vers les glucides – ce qui est un point à prendre en considération pour les femmes qui ont un régime alimentaire cétogène). Les activités aérobies telles que la natation, le vélo, la course à pied, le cardio-training sont propices lors de cette phase. La baisse conjointe de la sérotonine peut influencer le sommeil et l’humeur.

• Que penser ?

De nombreuses études soulignent que le sport, la mise en mouvement du corps, particulièrement avec une activité douce (comme peut l’être l’apnée à travers le DNF et le DYN si la performance n’est pas recherchée ces jours-là) est bénéfique pour le corps, le mouvement permettant de retrouver de l’énergie. Il convient, bien sûr, d’écouter ses ressentis et de ne pas rechercher un quelconque dépassement de soi lorsque le corps est déjà occupé énergétiquement lors des menstruations. Le sport a de nombreux bienfaits sur les règles (en apaiser les éventuelles douleurs, lutter contre la fatigue, gagner en énergie, penser à autre chose), tandis que la sédentarité entraine un déséquilibre de celles-ci. Le cycle menstruel ne doit donc pas être un frein à l’activité physique, bien au contraire et cela quel que soit l’étape du cycle.

Faire confiance à son corps

Je fais partie de ces hommes persuadés qu’en apnée, les femmes et les hommes peuvent réaliser les mêmes performances. Une croyance fondée sur plusieurs points :

  • La souplesse. Les femmes sont plus souples que les hommes, particulièrement au niveau du bassin et j’ai souvent constaté que, dès les premières pratiques de monopalme, elles y excellaient mieux que nous autres ;
  • Le mental et l’endurance face à la douleur ou, plutôt à l’inconfort. Je suis persuadé que, physiologiquement, les femmes savent mieux encaisser la douleur que les hommes, sans doute car elles ont le potentiel d’enfanter, alors qu’un homme se plaint à la moindre fièvre ;
  • L’écoute du corps. Cette écoute, liée sans doute également au potentiel de la naissance, est une qualité qui me semble naturellement plus spontanée et présente chez la femme que chez l’homme.

Il me semble donc important de préciser que, physiologiquement, le corps s’adapte. Ce n’est pas parce que le taux de ferritine est plus bas chez la femme que chez l’homme, tout du moins quelques jours par mois, ni que le jeu des hormones fait des vagues dans l’organisme féminin, que la performance sportive est impactée. Ces jours-là, plus que les autres, l’écoute de son corps et de ses besoins me semblent fondamentaux. Peut être, d’ailleurs, que ces jours-là devraient être mis à profit non pour travailler sur la performance, mais bien pour travailler sur l’écoute du corps, qui est l’un des paramètres fondamentaux de la performance dans ce sport.

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